Ceux qui se demandent (sait-on jamais) à quoi ressemblerait un Mogwai portugais tiendront leur réponse avec cet album magnifique des Portugais de Catacombe. Assimilés à tort à la scène métal et totalement méconnus ici, les Catacombe s’étaient faits repérer il y a une demie-décennie maintenant avec un Quidam plus long en bouche, moins léger mais tout de même assez percutant. Scintilla témoigne d’une évolution vers une meilleure maîtrise des embrasements et une capacité à varier les atmosphères qui les situe assez haut désormais sur l’échelle post-rock. Après un peu plus de dix ans d’activité, le groupe de Vale de Cambra, dont le line up est stable depuis huit ou neuf ans maintenant, semble avoir trouvé un nouvel équilibre dans sa musique qui fait de ce nouvel album une sorte d’aboutissement.
Difficile de dire grand-chose du disque et de son inspiration, tant on sait peu de choses sur le fonctionnement interne du groupe dominé par la figure de son fondateur Pedro Sobast. Le titre, Scintilla, renvoie explicitement (selon la feuille de presse) à un âge d’avant la technologie et l’assistance mécanique où l’homme pétillait d’intelligence, de génie, d’émotion et pouvait, sans béquille, être maître de son destin. C’est autour de cette notion que le groupe essaie, pour ainsi dire, de rallumer une étincelle artisanale, organique et astucieuse avec une musique instinctive et atmosphérique, secouée à l’image du splendide Reverie d’envolées électriques crépitantes. Le parallèle avec le Mogwai de la première période est incontournable et situe justement le niveau qu’atteint le groupe dans ses meilleurs moments. On citera la délicatesse et les qualités mélodiques d’un morceau comme Esquizo qui varie les tempos et les niveaux sonores avec une vraie virtuosité. Tous les motifs ne sont pas décisifs, ni les mélodies mémorables mais on ne s’ennuie quasiment jamais. Catacombe est plus léger sur un Sparkles tout en touché, jazz-rock sur l’entame du premier morceau Carrossel avant d’aller chercher une séquence plus lourde et metal en milieu de piste.
Cette alternance de chaud et de froid, de claviers déposés délicatement sur la piste et que les guitares viennent couvrir n’est pas d’une originalité redoutable mais fonctionne à merveille et arpente un territoire spatial aux contours infinis et qu’on ne se lassera jamais de parcourir. Il y a dans ce post-rock classique une quête de quelque chose (un son, une image mentale, un crépitement) qui s’échappe sans cesse et qui relève clairement de l’obsession. Catacombe comme tous les autres propose des itinéraires passionnants dans un enchevêtrement de possibilités et de sentiers. Il faut signaler sur l’immense Alvor, placé presque au centre du disque, une utilisation remarquable des voix (en l’occurrence celle vénéneuse et hantée de Melissa Veras) qui ajoute à la séduction noire du disque. La batterie est impressionnante de technique et peut compenser quelques facilités martelées comme sur Balada, le titre le moins intéressant du lot. On n’en reste pas moins assez près du sans faute avec un joli final composé d’un Arruda à la précision scientifique et qui évoque The Notwist et un lumineux et magistral Faux Pas, qui constitue sans aucun doute le morceau le plus emballant et émouvant du disque. Le crescendo final est bouleversant et se déploie dans un mélange de force, de détermination et en même temps d’incertitude qui vaut à lui seul le déplacement.
Scintilla est, dans son genre (forcément circonscrit), une réussite indiscutable et un album qui aurait pu faire date, s’il n’arrivait pas dans un environnement hautement concurrentiel et déjà bien fourni en réalisations somptueuses. Ce n’est évidemment pas une raison de ne pas y aller voir. A défaut d’être surpris, on pourra planer une heure et s’émerveiller de la persistance d’un genre qui a fait de la répétition et de la déambulation électrique l’une des grandes quêtes musicales de notre époque.