Difficile d’échapper à la mort de Charlie Watts ce matin. Le batteur des Rolling Stones s’est éteint à l’âge de 80 ans, pour des raisons qui n’ont pas été communiquées mais qui l’avaient probablement amené à renoncer à la tournée à venir du plus grand groupe du monde (après U2). Charlie Watts avait survécu au milieu des années 2000 à un cancer de la gorge. Modeste, élégant, solide comme un roc(k), Charlie Watts était non seulement le vétéran du groupe mais son capitaine de soirée officiel, le gars qui ne ramène pas les groupies chez lui (ou alors pas plus d’une à la fois), qui continue de jouer quand tout le monde a arrêté, permettant ainsi au lapin sauteur Mick Jagger de faire le show, et qui picole un peu moins que les autres pour ramener les copains à bon bord. Amateur de jazz, il est à parier que Charlie Watts aimait moyennement jouer avec les Rolling Stones. Il avait rencontré Mick Jagger à 20 ans, pas sur le quai de la gare, mais dans un combo mené par Alexis Korner, l’un des pionniers du blues rock anglais, pour lequel il tenait parfois la batterie, alors que Mick Jagger venait faire des piges au chant.
Il avait rejoint le groupe en 1963, à peu près en même temps que le bassiste Bill Wyman. Passionné de dessin, Charlie Watts s’occupait le soir en dessinant scrupuleusement les chambres d’hôtel dans lesquelles il logeait. C’est ce qui se raconte du moins. Cela ne l’empêcha pas (à force de respirer dans la même pièce que ses collègues) d’être lui aussi accro au whisky et à l’héro, substances dont il se fera désintoxiquer (relativement vite) dans les années 80.
En dehors des Stones, il avait continué d’enregistrer des disques avec de la vraie batterie dessus, histoire de garder la forme et d’enrichir son registre de jeu. Le plus cool reste peut-être le premier : le fameux London Howlin Wolf Session de 1971 enregistré avec le colosse de Chicago, Howlin Wolf justement (une sorte d’antithèse maousse de Jagger), Clapton et le quasi reste des Stones de l’époque, Wyman et Ian Stewart. Même si c’est un disque de guitares, ce truc est peut-être celui où Charlie Watts s’exprime le plus librement. Charlie Watts aimait les trucs à quatre temps, détestait les solos et était né, malgré tout, avec « un groove dans le cul », comme on dit vulgairement chez les batteurs. Il pouvait battre vite et fort sans perdre le contrôle (Brown Sugar), il pouvait travailler en touché (Sympathy For The Devil) et faire des trucs un peu plus ardus (ceux qui ont essayé de jouer Satisfaction le savent). Autant dire que s’il donnait un peu l’impression de s’ennuyer pendant les concerts des Stones, c’est parce qu’il pouvait jouer tous les morceaux en pensant à sa prochaine course de chevaux. Syndrome du capitaine de soirée : quand tous les autres se marrent et qu’on doit rester sobre…
Comme Jagger, Watts avait un domaine en France, du côté d’Alès.
Crédit photo : Charlie Watts via Wikimedia