La sensation est étrange. Pas forcément désagréable même si on est toujours perturbés par ce genre de voyage dans le temps. 1994 peut-être. Angleterre. 1995. La britpop finissante. Tony Blair. Le choc Oasis/Blur, gagné finalement par Pulp, est si violent qu’apparaisse façon crossover des tas de groupes dégénérés, décomposés depuis les figures matrices du mouvement qui n’a jamais existé. Hurricane 1, sur les cendres de Ride, Cast sur celle de The La’s, etc.
2016, Australie. Le trio DMA’s signe son premier album, Hill’s End, chez Infectious / PIAS, qu’on n’a pas encore écouté et envoie en éclaireur ce morceau, Too Soon. L’an dernier, les trois garçons originaires d’une banlieue de Sidney avaient livré un premier EP plutôt pas mal où dominait déjà leur goût des mélodies accrocheuses et des refrains qui tuent. Avec leurs dégaines de petites frappes de cité, les trois garçons, emmenés par leur chanteur Tommy O’Dell, n’ont qu’une lointaine ressemblance avec les frères Gallagher qui semblent leur tenir de modèles. Ils ont toutefois les épaules basses, les cheveux un peu longs ou ras, selon les saisons, et une façon de chanter qui est un des marqueurs du plus grand groupe de Manchester du monde (des années 90). A l’écoute de Too Soon, qui n’est pas le meilleur morceau de l’album, on se dit que tout le monde se fait des films et que le groupe n’est pas aussi bon que ça. Au fil des écoutes, on pense plutôt à des seconds couteaux britpop qu’à des chevaux de course mais il y aussi un moment où le morceau ne nous lâche plus et s’insinue en nous. DMA’s fait partie de cette vague « authentic Britain » qui, après la déferlante Sleaford Mods et le rouquin King Krule, semble établir une jonction entre la culture prolo associée à la britpop historique et la néo-scène chav, plus tournée électro ou jungle. C’est ici que les Australiens de DMA’s ont leur place. Leurs guitares sont pop mais leurs manières plus hip. Leur look est peu étudié mais mérite une place dans n’importe quel magazine de mode. Comme leurs chansons sont bonnes ou du moins suffisamment bonnes pour ne pas être mauvaises, on sait que c’est sur ce genre de malentendus que germent les grands emballements. Si demain était comme hier, aujourd’hui serait sans doute différent. En attendant d’écouter plus sérieusement l’album, on dira juste : ALERTE. Faudrait pas qu’on rate les nouveaux Artic Monkeys Machin Chose du trimestre.