On oublie parfois à quel point et avec quelle facilité l’excellente pop peut s’imposer à nous. Elle s’écoute et s’écoule tout en douceur, avec la plus instantanée simplicité, diffusant par un miracle jamais vraiment compris une sorte de bien-être emmiellé jusqu’au « plus profond de notre être ». On met la formule entre guillemets car ce « plus profond de notre être » qui ne veut rien dire renvoie souvent plus prosaïquement à une forme d’érotisme non sexuel, mélange de plaisir intellectuel et d’un sentiment de chaleur réconfortant et durable. C’est exactement cette sensation que provoque l’excellent premier album de Dog Park, groupe dont on avait déjà causé il y a tout juste un an.
Le groupe est ce qu’on appelle aujourd’hui un groupe international : une Américaine Erica, une brésilienne Isabella qui se retrouvent au chant entourées, à Paris, place des fêtes, de musiciens français, Jean et Sarah, ce qui fait tout de même (si on compte correctement) trois filles pour un seul gars. Il est possible que l’impressionnant sentiment d’harmonie et d’équilibre qui se dégage de ces 10 chansons tienne à ce rapport presque parfait entre les sexes : trois femmes pour un homme, soit de quoi se dégager complètement des pollutions habituelles et obtenir le meilleur de deux mondes. Le chant tourne principalement entre Erica et Isabella mais Jean intervient en français quand il le faut. Il le fait très bien sur un Stimulation, qui se situe quelque part entre l’univers des comédies musicales 70s et la twee pop (ce qui revient à peu près au même). La musique de Dog Park est sucrée, tendre et fabuleusement élégante. Elle n’appartient pas réellement au monde des années 2020 et flotte autour de nous comme un précipité de tout ce qu’on a jamais aimé dans la pop : des accents scandinaves (Goldfish), à la pop anglaise façon Sandy Shaw, twee pop (Sunny Decadence, sublime avec ce son de basse caractéristique et ces notes de synthé millimétrées) ou encore les vapeurs cafardeuses d’un pop mélancolique à la Sarah Records, sur le plus sombre et mélodramatique mais tout aussi chouette Rewind. La voix des deux femmes sont assez distinctes : l’une est haute et rêveuse, l’autre plus basse et grave. C’est un bonheur de passer de l’une à l’autre. Kaleidoscope symbolise à merveille cette science du parfait dosage à l’œuvre ici : une fausse allure mainstream mais qui ne tombe jamais dans la légèreté totale ou la facilité. Dog Park nous renvoie la même sensation de fraîcheur et de pertinence que lorsqu’on était tombés, il y a plus de dix ans, sur le premier disque de Veronica Falls. Festina Lente est beaucoup moins rock et probablement aussi plus riche dans l’usage des titres mid ou down-tempo, mais l’impression de justesse permanente, de grâce et de premier essai pleinement transformé est la même.
On a du mal à considérer que Dog Park soit vraiment un groupe français. Si c’était le cas, Festina Lente serait un concurrent sérieux au titre de meilleur premier album de l’année….Mirror qui referme le disque est un titre fantastique et beau à pleurer. On peut classer ce disque parmi notre collection de sœurs et frères de sang : Lush, Blonde Redhead, Hater et consorts, en attendant la suite.
02. Time
03. Lalala
04. Stimulation
05. Goldfish
06. Trial and Error
07. Rewind
08. Kaleidoscope
09. Head in the Clouds
10. Mirror
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