C’était une légende urbaine depuis quelques années : deux aventuriers inconscients étaient venus un jour de Bretagne et avaient demandé à passer quelques jours en compagnie des membres de la Droogz Brigade pour tourner un film et raconter l’histoire du plus grand groupe de rap français hardcore. Peu y croyaient et encore moins avaient pu croiser les malheureux. On racontait qu’ils étaient rentrés chez eux après trois années d’errance pour abandonner définitivement le journalisme et entamer un CAP coiffure option coiffes allemandes qu’ils n’avaient jamais fini. On les avait alors perdus de vue.
Quelques années plus tard (c’est-à-dire hier), Joe et Rafi, les animateurs du Bzh Show, ont enfin mis la touche finale à un documentaire de 37 minutes et quelques consacré à la Droogz Brigade. Le résultat se regarde en ligne et constitue la première exploration digne de ce nom au sein du collectif toulousain, qui est aussi soudé, intrigant et mythique que la bande des Anciens Présidents menée par Patrick Swayze dans le film Point Break.
Emmenés par Staff L’Instable, généreux maître de cérémonie à la voix de baryton rauque et menaçante, les reporteurs bretons assistent au lancement incandescent de l’album d’Al’Tarba à Paris avant de suivre Rhama le Singe, Sad Vicious et les autres jusqu’à la Ville Rose dans un voyage nostalgique. Origine du nom, origine du son, origine du mal : les membres du groupe défilent devant la caméra pour raconter leur histoire avec une belle sincérité. Le documentaire est impeccable pour ceux qui aiment le rap et ont encore besoin de se laisser convaincre de l’intelligence et de l’esprit d’initiative de ceux qui le font. Fenêtre ouverte sur l’intensité du groupe, sur l’amitié qui relie ses membres à leur tribu (Stick, Herken l’évadé, etc) et sur le contexte ultralocal dans lequel il déploie son talent, le documentaire montre l’utilité sociale de la Droogz.
Le documentaire manque juste un peu de scènes live et de musique (on aurait aimé qu’il dure une heure de plus) mais donne une folle envie de découvrir les productions d’un groupe qui a, finalement, plus arpenté les scènes de France que pris le temps de graver des morceaux. Leur dernier album Projet Ludovico a désormais quatre ans et la vie est passé sous les ponts depuis. La Droogz Brigade a un chantier un deuxième album et surtout dans les prochains mois une mixtape gorgée jusqu’au trognon de ses premiers morceaux. On a hâte d’y être et de se confronter à nouveau à leur formidable puissance de feu, à leurs outrances et à leur intelligence critique.
Avec ce docu, on ne les regardera plus jamais (dans l’œil) de la même façon.