On n’avait bizarrement pas prêté énormément d’attention au deuxième album de Goat Girl, sorti en 2021, alors qu’on avait bien accroché à leur essai originel de 2018. C’est ainsi avec pas mal de surprise (heureuse) et de fraîcheur qu’on a renoué avec les Londoniennes sur ce Below The Waste qui nous a littéralement enchanté de bout en bout. Entre garage pop solaire, rock psychédélique et bidouillage synthétique, on a retrouvé la plupart des (bonnes) caractéristiques mélodiques du trio dans ce disque, en plus d’une élégance et d’une complexité dans les productions et l’enregistrement des voix qui en font l’un des projets les plus gracieux et excitants de ce premier semestre.
Pour ceux qui auraient raté les précédents épisodes, les Goat Girls sont emmenées par leur chanteuse et guitariste en chef, Clottie Cream. Elles ont fait une entrée remarquée sur la scène rock britannique, en ouvrant (notamment) pour The Fall. Leur musique était engagée, féminine, âpre et séduisante. Les textes sont souvent empreints d’une portée sociale et les chansons zébrées de décrochés soniques qui les rendent attirantes pour les fans d’indie music et pas totalement repoussantes pour ceux qui préfèrent les choses plus pop. Leur nouvel album témoigne de cette recherche d’équilibre entre excitation et approche plus mainstream. L’ensemble est soyeux et onirique. La musique de Goat Girl est peut-être moins abrasive que par le passé mais cela n’enlève pas grand chose à leur efficacité. Le meilleur exemple (et l’une des plus belles réussites du disque) est sûrement le morceau Ride Around, modèle du genre et qui enrobe d’une production riot girrrls, une chanson d’amour tout à fait classique, voire un peu guimauve.
Way it goes, I think you’re kinda gross
Me and you, I think we could be close
Let out all there is to hide
I catch a glimmer in your eyes
Run round doing circles all the time
Let’s be messy in the evenings
Shall we go
Ride around
Hit the floor
Dawn is out
Shall we go
Ride around
Hit the floor
Le résultat est élégant et pas si différent de ce qu’on aime chez les filles de La Luz. Le disque est profus (16 morceaux dont 2 instrumentaux), riche en balades planantes (le superbe Words Fell Out) ou en simili-berceuses sensuelles (le surprenant et très très joli Tonight) qui sont littéralement irrésistibles (quand on est un auditeur masculin notamment). D’une manière générale, et comparée à notre souvenir, la production de Goat Girl est bien plus claire et dépouillée que par le passé. Le son crado du premier disque est oublié pour un néo-folk parfois électrique plus boisé et chaleureux. On a affaire ici à une vraie production professionnelle et nettoyée de tout grésillement. Ce son, plus propre, rend le corps du disque un peu moins distinctif mais met bien en relief le travail de composition.
Quelques chansons apportent du relief mais sans s’éloigner trop loin d’une formule qui repose sur des voix étoffées par un savant usage des harmonies chorales et pistes répliquées, et des arrangements soignés (cordes, synthé et autres bruits naturels). On signalera ainsi le joli Motorway, chanson qui évoque avec un académisme complet (mais pas rasoir) le plaisir qu’on prend à fendre la nuit… en voiture. La tarte à la crème est savoureuse, appliquée et pour le coup sans surprise. C’est juste bien mais sans aucune prise de risque ni tentative de faire dans l’originalité.
Won’t stop driving
Drive
Drive
Drive
Drive
Drive
Sleep was meant for yesterday
Now it all just seems the same
We fucked it all away
Oh now the nights to blame
On peut citer aussi le plus exotique et recherché Jump Sludge, traversé d’échos tribaux et bien plus passionnant ou encore l’excellent Where’s ur <3, peut-être bien le meilleur morceau du disque. Les Goat Girl prennent parfois des allures de Breeders qui leur vont très bien.
Facile dès lors de faire la fine bouche, mais on peut se satisfaire tout de même de ce disque inoffensif en rêvassant sur un Sleep Talk, attendu mais splendide, dont le final constitue l’une des seules prises de risque (mesurées) de l’album. Le dernier morceau, Wasting, est plus arty et laisse augurer d’un retour à une complexité délaissée ici. On aime quand le groupe s’exprime avec plus de gravité et déstructure ses morceaux. On aime quand Goat Girl verse dans le psychédélisme et l’abstraction. On aime aussi l’ambiance de lamento finale et cette impression de couler lentement au fond d’un puits dont on ne sait pas s’il est réconfortant et amniotique ou hanté.
Below The Waste est un disque assez cool pour aborder la période estivale, céleste et aérien. On a beau ne pas être certain de ce que le trio a voulu exprimer mais le résultat s’écoute avec plaisir et un brin de nonchalance.