Le nouvel album du saxophoniste américain Kamasi Washington a été conçu autour de l’idée suivante : la terre pour le rapport au réel et les cieux pour le rêve et l’idéalisation. Avec près de deux heures de musique et des morceaux d’une durée avoisinant les 9 minutes, instrumentaux pour la plupart, et incorporant pour certains des voix féminines et masculines, ces deux disques s’inscrivent dans une esthétique assez rétro, aux accents psychés et funk faisant penser à certaines productions des années 70.
Kamasi Washington a multiplié les collaborations avec des rappeurs comme Snoop Dog, la chanteuse Lauryn Hill, le pianiste Herbie Hancock et puis plus récemment dans un tout autre genre lors d’un jam avec St Vincent sur le plateau TV de Jools Holland. Le musicien né au début des années 80 est plutôt prolifique ; en effet, son opus intitulé The Epic sorti en 2015 comprenait déjà 3 disques… quand on sait qu’enregistrer un maxi 4 titres guitare/voix pompe pas mal d’énergie, on peut se poser des questions sur le concept d’égalité entre les hommes… Un autre élément remettant en cause cette notion se dévoile sur la pochette de l’album : on y voit Kamasi engoncé dans un uniforme de guerrier intergalactique marchant sur l’eau ! Bon dieu c’est donc ça ! Kamasi est surement habité par des forces messianiques lui donnant une supra énergie.
Musicalement parlant, ça envoie du bois comme on dit dans le Bouchonnois ! Le premier disque intitulé Earth est plutôt agité, les phrasés sax et piano sont hyper rythmés, harmoniquement parlant, les grilles d’accords sont assez conventionnelles et construites dans un esprit jazz funk rétro. Les mélodies ressortant des titres sont agréables, les musiciens sont ici virtuoses mais pas complètement barrés, ce qui permet une écoute relativement accessible, ne mettant pas l’auditeur dans un état d’intimidation ou de stress face au déluge de notes souvent vertigineux et dissonant chez bon nombre de jazzmen. Kamasi Washington a une approche de la composition ouverte sur la pop et autres musiques grand public, se démarquant ainsi du pur esprit jazz traditionnel, genre qui exige une initiation pour en comprendre l’esthétique afin d’en éprouver des émotions. En effet beaucoup d’entre nous restent perplexes devant cette musique compliquée, torturée et parfois musicalement pauvre malgré le niveau technique élevé des interprètes.
Le second volet intitulé Heaven est comme son nom l’indique plus porté sur le songe, mystérieux également ; les tempos sont plus lents, les orchestrations sont toujours un peu kitch avec des arrangements de cordes entremêlés à des chœurs rappelant des génériques de séries T.V. des années 70. Entre musique d’ascenseur de palaces, de supermarché Shopi ou Codec d’une autre époque, les plages instrumentales sont comme on l’a dit assez cinématographiques : les ambiances rappellent l’âge d’or du glamour Californien, des croisières qui s’amusent, des piano cocktails, des pattes d’eph aux choucroutes peroxydées dans le style de la série Drôles de dames.
Dans le domaine culinaire, la choucroute est un plat appartenant à un autre âge mais ayant toujours ses amateurs. Une recette assez ignoble quand on y pense : on fait macérer le choux dans du riesling et du saindoux, puis on y ajoute des pattes de porcs également appelées jambonneaux. À l’heure où les bouchers-charcutiers de nos quartiers se font menacer par les militants végans au nom d’un progrès civilisationnel et d’un rapprochement vers des idées plus humaines, Kamasi Washington, quant à lui, emprunte au passé les ingrédients pour la confection de son œuvre musicale. On ne peut pas comparer ici la vulgarité du plat alsacien à l’art du saxophoniste mais on peut être surpris de l’orientation désuète et non innovante choisie par Kamasi, à une époque où l’électronique et la sobriété prédominent sur bon nombre de productions.
02. VI Lua VI Sol
03. Street Fighter Mas
04. Song For The fallen
05. Journey
06. The Psalmnist
07. Show Us The Way
08. Will You Sing