Spécial Halloween : 15 B.O. rares et cultes pour frissonner de plaisir !

Brad Fiedel - Fright NightC’est Halloween ! Les citrouilles sont de sortie ! Bon, nous vous la livrons avec une soirée de retard, mais puisque depuis deux ans, c’est un peu Halloween tous les jours, ce n’est pas bien grave. Après la nouba et l’assommante sortie annuelle pour égailler le caveau familial de fleurs, quoi de mieux que de prolonger l’expérience avec une petite soirée frayeurs en famille, entre amis ou seul… claquemuré devant son vieux téléviseur ? Cela évitera de sortir et de faire propager le virus de l’angoisse. Se faire peur dans le salon : un acte de salut.

Chez Sun Buns Out, nous vous avons déniché des raretés pour vous proposer « LA » bande-son du Halloween de vos cauchemars. À piocher comme dans un sac de bonbons. Mais attention : contrairement aux autres (même à notre playlist dédiée aux sorcières, recommandable en complément), nous ne vous sortirons pas cette fois les sempiternels morceaux de John Carpenter ou des Goblin. Il n’existe pas de meilleur alibi qu’un film d’horreur pour concevoir une grande bande-son. Même si les codes existent aussi dans ces genres, ce que l’on prénomme avec une certain dédain le « film de genre » (expression vide de sens) est probablement la catégorie offrant le plus de possibilités en termes d’expérimentations musicales. À tel point que l’on devrait, quelques fois, mieux écouter les B.O. que leurs films en soi. À des fins simplificatrices, nous avons choisi un morceau particulier de chaque bande-son, celui que l’on juge le meilleur ou, tout du moins, le plus marquant. Chacune de ces B.O. (dans leur intégralité) mériterait un article à elles seules tant nous les gardons en haute estime. Et pourtant, ce ne sont pas toujours celles qui nous reviennent à l’esprit quand vient l’heure des classements… car oui, pour vous les déterrer, nous avons entrepris des fouilles archéologiques dans notre vidéoclub. Ce top 15, absolument subjectif, ne s’est pas fait d’ailleurs sans quelques pertes et mises en touche.

Nous sommes donc allés dans les tréfonds du genre pour vous trouver quelques vielles B.O. (mais pas que) et les épousser. La liste est si complète qu’elle comblera tout type de frousse. À noter qu’à quelques exceptions près, cette playlist n’est composée que de bandes-son électroniques composées aux claviers ou au bon synthé des familles, vieillot ou moderne ! Pas de bande-son marronnière ou orchestrale ici. Uniquement des pépites musicales, que nous vous recommandons, à votre bon vouloir, d’accompagner en images ! Cette playlist ne se limitera donc pas aux slashers, mais s’étendra à la belle catégorie du fantastique, avec même quelques sorties de route du côté de la comédie, de la science-fiction ou du thriller psychologique… Des festins gorasses aux véganeries sans giclée, des films d’horreur « grand public » aux bisseries sanguinolentes, des nouveautés toutes fraîches en VOD aux péloches en VHS, vous en aurez pour votre hémoglobine ! Inutile de chercher ailleurs, vous trouverez votre malheur. De quoi trembler de plaisirs sous la couette… ou sous un linceul.

[Article Interdit Aux Moins de 18 Ans !]

01. Mark KorvenEscape (B.O. de Cube, Vincenzo Natali, 1997)

On ne pouvait mieux rentrer en matière qu’avec cette courte, mais splendide bande-son de Cube. La bande originale de Mark Korven (The Witch, The Lighthouse) est un modèle du genre, ciselée comme ce film narrant la survie d’inconnus devant s’échapper d’une prison labyrinthique en forme de Rubik’s Cube géant dans lequel se cache des pièges vicelards, se jouant des nerfs de leurs cobayes. Escape, thème magistral de cet angoissant film futuriste, a été probablement plus écouté que le film, et ceci de par son usage fréquent pour illustrer les documents vérités produits à la chaîne par la TNT. Escape est de cette cruauté mathématique que seules les machines ont. Le morceau fait la part belle aux effets d’échos machiniques et de métaux industrieux, dénués d’une quelconque émotion, si ce n’est leur nocence. Excitante, Escape est aussi terrible que le constat suivant : le monde biologique est régit par la loi du plus fort ; quant à la machine, elle n’a aucun scrupule à abattre le perdant. C’est marche, ou crève! Le pire des deux mondes, en somme.

02. Brad FiedelCome To Me (B.O. Fright Night, Tom Holland, 1985)

Qui n’a pas chantonné le thème du Terminator plus d’une fois après le film vu? Bien loin de ne se limiter qu’à cela, Brad Fiedel (True Lies, Blue Steel), connu pour avoir accompagné de sa musique la période actionner des films James Cameron dans les années 1980 et 1990, est aussi le compositeur d’une des rares comédies horrifiques cultes, à la traduction française, comme toujours excellentes, assez hilarante : Vampire, vous avez dit vampire?. Come To Me, qui contient un thème d’une efficacité optimale pour rester engluée à votre cervelle, est à l’image de cet étonnant film, partagé entre le voyeurisme de Fenêtres sur cour, la comédie teenager douceâtre à la Ferris Bueller et le spectaculaire des films de la Hammer. Lancinante et d’une sourde angoisse, très typé 80’s, elle sied parfaitement à l’allure féline de ce voisin à grandes canines joué par  Chris Sarandon, dont le physique efféminé mais charismatique, est l’exemple même du casting inattendu. Ça y hurle, ça pleure et ça rote dans ce teenage movie étrange, drôle et gore où un lycéen tente de déjouer les plans d’un vampire voulant se taper sa mère… puis sa meuf. Et où la comédie, jamais présente dans la musique, n’est jamais bien éloignée d’un sourire carnassier et d’un cri d’effroi. À noter que le film contient en supplément des morceaux de Evelyne « Champagne » King, des Sparks ou encore d’Autograph en bonus. De quoi vous donner des envies de (vous faire) suçoter une (la) gorge.

03. Steve BakerFor Whom the Bell Tolls (B.O. Donnie Darko , Richard Kelly, 2001)

Attention, qui dit film culte dit souvent bande-son incroyable. Le film fantastique est un terrain de jeu infiniment maléable pour un compositeur. Il l’est d’autant plus quand le film qu’il est sensé servir est lui-même un objet non définissable, film à tiroirs échappant à toute catégorisation, mélangeant là encore comédie adolescente, fantastique, horreur et science-fiction. Donnie Darko aurait pu être une nouvelle d’un Stephen King à son meilleur, et se rapproche le plus par son ambiance du Blue Velvet de David Lynch. Premier film et déjà chef-d’œuvre au compteur de Richard Kelly, ce métrage ambivalent se veut à la fois tendre vis-à-vis des années lycée de l’époque, mais également corrosif lorsqu’il fait passe à la radioscopie les non-dits de la décennie 80. Une époque pleine de couleurs criardes mais où les accueillants pavillons blancs d’une Amérique triomphante cachent de terribles secrets. Non content d’avoir une tracklist de fou furieux (Notorious de Duran Duran, Head Over Heels de Tears for Fears, Love Will Tear Us Appart de Joy Division, toutes magnifiquement illustrées) et d’une reprise de Mad World devenue plus culte que l’original, confectionnée rien que pour ce film sorti juste avant la chute des tours (meilleur évènement pour servir le propos du film), le métrage s’affuble d’une bande-son de folie de Michael Andrews, obséquieuse (on vous a mis plus haut Manipulated Living, avec laquelle on a longtemps hésité) ou enchanteresse, intime ou faussement bienveillante, et de ce morceau particulièrement… funeste, n’illustrant rien d’autre que le générique de fin. For Whom The Bell Tolls, sorte de Te Deum d’une grandiloquence médusante, permet d’entrevoir des puissances invisibles et hasardeuses orchestrant la cosmogonie du monde, même lorsque celles-ci se cachent derrière le plus affable des apparats. Décrivant la manifestation d’une force intelligente, mais impénétrable et sibylline,  en étroit rapport avec ce que l’on appellerait fatalité, le film aura fait les beaux jours des plus belles théories du complot. De ce For Whom the Bell Tolls se dégage alors une métaphysique du néant nous laissant coi. Il y a décidément quelque chose de pourri dans le pays du cookie.

04. Franck SilverThe Scene (B.O. Zombie de Lucio Fulci, 1979)

Quand on évoque le cinéma d’horreur transalpin, nous avons tendance à oublier derrière l’ombre des glorieux Dario Argento ou Mario Bava un des plus grands artisans de l’horreur européenne : Lucio Fulci. Appelé en renfort des États-Unis pour construire une Italian Connection et surfer sur la vague zombiesque, Fulci donne avec L’enfer des zombis (ou Zombi 2 selon l’appellation) sa définition onirique du monstre, libérant le vivant défunt du message politique donné par Romero pour mieux dérouler une interprétation uniquement charnelle de la dégradation des corps. Bref, à l’italienne, quoi. Malgré l’américanité du compositeur Franck Silver, The Scene a cette finesse d’exécution ritale, entêtante, de cette poésie douce-aigre et macabre, très film d’exploitation et pourtant presque trop majestueuse pour une série B. Une musique titillante, où la stimulation sensorielle du refrain (entrecoupé de petits ponts dont l’intelligence est de transformer les limitations du matériel pour en faire des sonorités évoquant les râles plaintifs des charognes) prévaut sur la structure narrative de cette pourtant si simple histoire où des morts, cadavres grand-guignolesques grouillants et en lambeaux, reviennent hanter la chair fraîche qu’ils furent autrefois, suite à une pandémie provenant des confins du monde. Toute ressemblance avec le réel serait fortuite…

05. John CaleMain Theme (B.O. American Psycho de Marry Harron, 2001)

Il y a des fois où le hasard se coordonne à merveille. John Cale livre avec la bande-son d’American Psycho une interprétation quasi parfaite du livre réputé inadaptable de Bret Easton Ellis. Feutré et sautillante, là encore faussement enjoué, le thème d’ouverture, hypocrite, déroule un tapis au cirque des vanités de l’élite new-yorkaise durant les années 1980. La bande-originale honore les tribulations du pauvre Patrick Bateman, splendide sociopathe au cœur asséché, fauve yuppie enfermé dans une galerie des glaces dorées enrageant de son indifférenciation au monde. Là encore, la bande-son sert le film (injustement sous-estimé, et lui aussi sorti en … 2001) d’une charge féroce contre la société des apparences psychoïde, cette décennie clinquante mais faussement avenante de l’Amérique reaganienne, mais aussi de ce nouveau libéralisme dévorateur chosifiant ses petits soldats en machines à exécuter, première étape vers une violence infinie et l’avènement d’une comédie inhumaine. De quoi vous donner envie d’aller rendre visite au département « Murder & Executions » de votre banque. En plus de sa bande-son composée de Barry, maléfiquement étouffante, le film peut se targuer d’une logorrhée de géniaux titres de l’époque, comme ceux de groupes tels que (excusez du peu) New Order, Huey Lewis & The News, Simply Red ou Genesis. Au fait… vous aimez Phil Collins ?

06. Georges FentonLiberation (B.O. The Company of The Wolves, de Neil Jordan, 1984)

Il était une fois… un chef-d’œuvre qui aura fait frémir plus d’un parent s’étant laissé duper par la fantastique jaquette rappelant les illustrations de Gustave Doré. Réalisé d’une main de maître par un Neil Jordan (Entretien avec un Vampire, Michael Collins) au meilleur de sa forme, La Compagnie des Loups a l’allure d’un cauchemar sensuel, de ceux qui nous tentaient dangereusement à l’heure du semi-sommeil adolescent, un jour avant un premier rendez-vous excitant, plongeon dans l’inconnu. Inspiré de la Psychanalyse des Contes de Bruno Bettelheim, ce film fantastique (à tous points de vue), succession de pastilles, de rêves dans le rêve, relate les songes d’une pré-adolescente de nos jours face à l’irruption de la primalité des sexes dans sa psyché, chose dont la férocité naturelle est la chose la mieux partagée du monde. Impossible à réaliser aujourd’hui, étant donné l’inextricabilité de son discours sibyllin et son refus de manichéisme, le jeune âge de l’actrice n’aidant pas, le film, pourtant presque dénué de toutes scènes sexuelles crues, se veut une enluminure à la beauté effroyable, un film somptueux pour explorer les messages cachés des contes  de Perrault ou Lewis Caroll sur la sauvagerie humaine. Un sas d’entrée idéal pour un adolescent vers le genre de l’horreur (et une analyse psychanalytique de cette mystérieuse chose appelée « libido ») dont l’âge adulte affleure. Quant à Georges Fenton, compositeur variable, il tient ici son apothéose. On aurait aimé vous passer la bande-son entière, mais on a jeté notre dévolu sur l’ébouriffant morceau final, Liberation, où horreurs et beautés, désirs et interdits, s’entrechoquent pour former l’envers de l’autre, nous rappelant ainsi que l’acte ne peut être dépourvu de sa quintessence violente, depuis la nuit des temps. Camille Saint-Saëns aurait probablement été jaloux d’une telle pièce. L’orgue inquisiteur et les violons tragiques des dernières secondes forment à eux seuls l’une des plus belles figurations musicales de ce qu’est l’effroi le plus pur. À dévorer sans modération !

07. Cliff Martinez Neon Demon (B.O. The Neon Demon, Nicolas Winding-Refn, 2016)

La bande originale de Cliff Martinez (Spring Breakers, Traffic), fidèle compagnon musical de Steven Soderbergh et Nicolas Winding Refn depuis maintenant Drive, pourrait se suffire à elle-même tant elle touche la perfection. Classé parmi les compositeurs les plus cotés de l’Hollywood indie, souvent associé à Trent Reznor et Atticus Ross avec qui il partage l’amour des ambiances mécaniques et inquiétantes, il s’essaie avec The Neon Demon à une horreur teintée de giallo 2.0. L’histoire est celle d’une jeune ingénue provinciale voulant se faire une place dans le mannequinat d’un Los Angeles tout sauf hospitalier. Sauf que la beauté dont elle est sertie va générer un tohu-bohu hystérique dans ce milieu de la mode hautement darwinien. Là encore, on ne pouvait trouver meilleur écrin. Le thème principal retranscrit on ne peut mieux l’impureté d’un milieu concurrentiel sans répit, gâté par la jalousie de la perfection, viciant de l’intérieur la pauvre Ella Fanning pour mieux empoisonner son monde. La B.O de Martinez se veut à la fois d’une candeur enfantine et d’une froideur obscène. La toxicité sexuelle de ce Los Angeles nocturne et bleutée, de ses villas éclairées par des néons rosoyants, alerte là encore sur une violence morale omniprésente se cachant derrière le mince miroir de l’enveloppe corporelle. Servant alors un propos presque polémique sur la supériorité de la beauté physique sur celle morale, perturbant car à contre-courant de notre époque, la bande-son est à l’image de celle-ci : incontestable, ensorcelante, et, par conséquent, assurément dangereuse.

08. Michael YezerskiTefillin (B.O. The Vigil, Keith Thomas, 2019)

Là encore, petite perle horrifique à l’horizon. Sorti en 2020 entre les deux confinements au cinoche, The Vigil, produit par Blumhouse Productions, le McDonald de l’horreur débitant à flux tendu des péloches désincarnées, a, sans le vouloir, pondu un grand film d’horreur. S’attaquant avec une violence qu’on aurait jamais osé voir à Hollywood, pour les raisons que seul un Mel Gibson connait, The Vigil, sorte d’Exorciste juif à la sauce giallo gothique, pilonne le fondamentalisme religieux d’une certaine communauté juive ultra-orthodoxe et l’impuissance physique et sexuelle que cette dernière génère sur les êtres. Doté pourtant d’un synopsis a priori simple, Yakov, trentenaire dépressif inadapté à la vie, et dont la sienne est enrubannée dans la doctrine, accepte de veiller une nuit sur un cadavre lors d’un rite funéraire, âme en peine allant le malmener pour son refus de jouir tant que Yakov n’aura pas renoué avec une judéité profonde, mais saine. Bref, tout cela pour en venir à la BO de Yezeski, méchante et masochiste, malmenant son spectateur comme pas deux, et faisant la part belle à l’atavisme hébraïque avec ses chœurs immémoriaux se mélangeant à des sonorités électroniques harcelantes, représentant on ne peut mieux la tentation pécheresse de son héros d’échapper au dogme. Si vous croyez trop en dieu, fuyez ce film, PAUVRES FOUS!

09. Robert Williamson & Johannes Kobilke  – Mahogany’s Iron Hammer (B.O. The Midnight Meat Train, Ryūhei Kitamura, 2008)

Quel meilleur terrain musical qu’un film adapté de l’infernal Clive Barker pour dépeindre la résurgence d’une sauvagerie primitive (oui, encore une fois) occurrant depuis la nuit des temps, que l’urbanisme dans ce qu’il a de plus glacial et fonctionnel ? Williamson (Ultimate Game) et Kobile habillent avec majesté un film certes en dents de scie, mais touchant à plusieurs moments les tentations de mort traversant l’œuvre de Barker, tout autant que l’absence de remord du mal quand il se manifeste face à son objet de destruction. Métallique et glaciale comme l’acier du marteau de son croque-mitaine, Mahogany’s Iron Hammer montre que la BO des deux garçons peut de loin dépasser le film qu’elle habite. Un conseil : ne prenez pas la dernière rame seul ce soir.

10. The InsectsTitle Music / Theme (B.O. Creep, Christopher Smith, 2004)

Il y a de ces injustices qu’on ne comprendra jamais. Cela fait presque deux décennies que nous attendons l’habilitation que mérite le vénérable artisan qu’est Christopher Smith (Triangle, Black Death), apte à transformer n’importe quel petit scénario, en deux temps trois mouvements, en grand film. La musique n’y est pas pour rien dans cette entreprise pleine de vilénie. The Insects (les séries Devs et Hanna) signe une B.O. à nous foutre la chair de poule. Nous n’avions pas entendu une musique aussi aride et frigorifiée que les tunnels indifférents du métro, lieu et place de cette chasse à l’homme carrollienne dans les viscères du Londres nocturne. Claustrophobe, expérimental et  asphyxiant, le thème principal, par sa flûte envoûtante rompant avec la froideur des bruits du dédale londonien, est peut-être ce qui s’est fait de plus beau depuis le fameux thème d’Alien par Jerry Goldsmith, préfigurant la résurgence de peurs barbares trop longtemps cachée par le vernis de la civilisation.  Un autre conseil donc : ne vous endormez surtout pas dans le métro.

11. Colin StetsonWest of Arkham (B.O. H.P.’s Color Out Of Space, Richard Stanley, 2019)

Cela faisait un demi-siècle que nous attendions une adaptation officielle et honorable d’une nouvelle de Lovecraft. Entre le The Thing de Carpenter et les multiples adaptations sur des produits dérivés du cinéma, c’est dire à quel point cet univers palpable mais à la monstruosité intangible était difficilement adaptable frontalement. L’attente fut longue, mais valut le coup avec H.P.’s Color Out Of Space, à tel point que son unique point faible réside en ce qui s’annonçait comme son atout charme, c’est-à-dire un Nicolas Cage inutilement cabotin. Pour le reste, le très en vue Colin Stetson (Hérédité, Red Dead : Redemption II) délivre une B.O. du feu de dieu (Cthulhu) élevant le film vers des hauteurs imperceptibles, supplantant le simple drame de cette famille à la rencontre d’une matière étrangère ne lui voulant rien, si ce n’est du mal, pour la hisser à la hauteur d’un nihilisme universel imparable. Ce bijou que constitue ce morceau, à la fois introductif et conclusif, West of Arkham, retranscrit à merveille le malaise lovecraftien face à l’angoisse d’une  nature sans pitié (on y étend le grincement d’arbres séculaires, invisibles car trop enfoncés dans le cœur de ténèbres non défrichés), d’une cosmogonie inévitable et inexplicable. La B.O., sommet de paranoïa hyperbolique tant elle laisse entrevoir à son auditeur, par fragments, l’ignominie régentant le monde, ou plutôt, oui, non, c’est cela plutôt, un univers tout entier, inconcevable au commun des mortels, ramenés à l’état insignifiant d’insecte, qu’elle aurait gagné à être entendue devant une toile, tant ce film a tout d’un grand.

12. Clint MansellLose Yourself (B.O. Black Swan, Darren Aronofsky, 2011)

En 2011, Darren Aronofsky élevait Natalie Portman à son point d’acmé, lui offrant un tapis d’Oscar. La pudibonderie américaine se sera empressée d’oublier ce film qui l’aura portée à nue tant les films d’Aronofsky sont réputés malséants. De la géniale bande-son de Clint Mansell (Requiem for a Dream, Stoker), autre compositeur choyé du moment et fidèle d’Aronofski depuis leurs débuts, Lose Yourself est le plus représentatif de la décadence consentie par cette danseuse de ballet puritaine et vierge, prête à vendre son âme et à céder à la tentation du sexe lesbien pour tuer sa rivale, dopplegänger sauvage et spontanée dont elle s’éprend de jalousie maladive suite à sa mise en concurrence. Contrairement aux autres morceaux qui y mélangeaient les influences obligatoires du Lac des Cygnes de Tchaïkovski, celui-ci, pièce maîtresse du film ornant la scène la plus polémique, Lose Yourself, avec ses cordes graves annonciatrices du drame à venir, est au diapason de son titre : une dégringolade dans la corruption ne pouvant se terminer que dans un bain de sang.

13. Hans ZimmerRachel Makes a Copy (B.O. The Ring, Gore Verbinski, 2002)

Hans Zimmer (Gladiator, Rain Man) est le maître incontestable de la musique cinématographique, que nous le voulions ou non. La bande-son du Cercle – The Ring de Gore Verbinski est loin d’être son travail le plus inspiré, déjà rodé aux standards hollywoodiens réclamant une B.O. morcelée et corsetée. Néanmoins, Rachel Makes a Copy fignole en moins d’une minute la menace paranoïaque et fantasmatique planant au-dessus de l’univers blême et éteint de cet excellent remake du Ringu nippon. Les violons et violes de gambe y stridulent et donnent à écouter l’inquiétude d’un drame qui pointe, celui d’une malédiction qu’aucune phrase ne sera à même de reproduire fidèlement. Si vous devez utiliser votre magnétoscope, faites gaffe à ne pas tomber sur cette fameuse K7, ce serait ballot de mourir à cause d’une foutue VHS, n’est-ce pas?

14. RobHaunted (B.O. Maniac, Franck Khalfoun, 2012 )

Le film de genre est le mieux à même à saisir les vicissitudes de l’époque qui arrive. Remake transcendant l’original de William Lustig, la prodigieuse réinterprétation faite par les français Alexandre Aja et Franck Khalfoun est un sommet tant elle répond à l’original d’une fureur vivace et impétueuse, souvent intenable, tout en montrant que l’obsession voyeuriste de l’original est encore plus vraie de nos jours. Tourné à la première personne en POV par une caméra aérienne épousant le point de vue du pervers, se réappropriant les codes filmiques de la pornographie et du snuff movie, le Maniac de 2012 anticipe avant tout le monde la victoire de l’image, le futur succès d’Instagram et Snapchat et toutes les curiosités névrosées qu’ils engendreront sur leurs utilisateurs. Le choix du musicien Rob (Belle Épine, Le Bureau des Légendes) tombe après coup sous le sens. Il fallait établir un pont entre la frustration affectueuse et sexuelle du nouveau Zito, d’autant plus incompréhensible de par ses conquêtes féminines, et l’œuvre originale. Doté d’une pianoterie d’orgue agaçante et d’une grandiloquence sentencieuse que seules avaient les B.O. synthwave de la décennie 80, Doll laisse planer une douce odeur de sauvagerie dans les rues innocentes de L.A., la frustration d’inconnus errant comme des agneaux dans les rues, prête à faire tomber les masques à la première agression s’offrant à elle.

15. Fabio FrizziVerso l’ignoto (B.O. The Beyond, Lucio Fulci, 1980)

L’au-delà : quel plus beau film pour se rapprocher délicatement de notre destination finale? Ce film de Fulci est l’apogée d’une obsession : la violence la plus extrême y côtoie la poésie la plus glacée. Le morceau Verso l’ignoto de Fabio Frizzi y offre l’une des peintures musicales de l’enfer des plus renversantes. Convoquant des peurs archétypales depuis trop longtemps refoulées, ce morceau, dont on a ferraillé pour le sélectionner parmi ses autres joyaux, matérialisation des angoisses de l’inconscient dont tout évitement est à présent impossible, tant elles s’imposent à soi. Verso l’ignoto est d’un fatalisme à rendre malade. Ce film à la structure fantasmagorique, où sensations et images priment sur les idées et les mots, est d’un irrationnel générant une anxiété sans pareil que sous-tend la musique, ici abattue et vaincue, de Frizzi. S’inscrivant dans une tradition eschatologique, le lent piano nous raconte une déliquescence destinale de l’humanité, où tout espoir de transcendance est voué à l’échec. Une belle manière de se rappeler que devant la faucheuse, nous sommes tous égaux.

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