Même si Caroline Hervé et Michel Amato n’avaient sorti aucun véritable album commun depuis l’éclectique Two (2009), le duo grenoblois, qui aime contenter par surprise sa fanbase, s’était rappelé en tant que « boss » via les éditions en 2015 et 2018 de deux Lost Tracks dont les vinyles ne cessent d’ébahir les platines (‘Leather Forever‘, ce n’est pas rien). Nous attendions donc un troisième opus parcourant les recoins cachés des auteurs de ‘Frank Sinatra‘ ou ‘1000 Dreams‘, et c’est un véritable nouvel album, déjà annoncé mais reculé pour cause de pandémie, qui provient enfin, presque de façon inespérée tant l’éventualité d’un retour paraissait occasionnellement se diriger vers l’intox. Pourtant, le voici, certes pas encore en vinyle (le 04 avril) mais l’écoute MP3 suffit grandement pour qualifier le sobrement intitulé Third Album de disque à haute teneur addictive.
Rien n’a finalement changé chez Kittin & The Hacker (sinon l’éviction du « Miss » de Caroline). Mais ce qui ne change pas chez eux ne fait que souligner le manque d’inventivité, de curiosité aussi, de nombreux autres artistes électro actuels. Le duo, en huit titres, poursuit ainsi son défrichage techno-pop de territoires subtilement variés : clubbing, darkwave, new wave un peu, le tout rendu évanescent, presque irréel, par la voix et les mots (anglais, français) de Caroline.
Cosmopolite, l’album surprend d’abord par sa variété de tons, mais dévoile très vite une belle cohérence d’ensemble, un art (élégant, instinctif) propre à la confection d’une tracklist homogène dans son choix de la bifurcation, dans son refus de cibler un angle précis. Cela se traduit en premier lieu par, disons-le avec des mots d’admirateur, un sens de la surprise, du suspense, inhérent à chacun des huit morceaux ici présents (tous parfaits, tous ensorcelants) – subtilité des BPM et de leurs variations, crade s’associant à la joliesse, luminosité (feinte) lacérant un titre jusqu’alors d’obédience morose. Ensuite, Caroline et Michel, tant pis pour le cliché, provoque une émotion ; voire, sur cet album, une capacité à se fixer des principes ou des préceptes robotiques (les très Düsseldorf ‘Ostbahnhof‘ et ‘Soyouz‘) pour y injecter de la chair, de la sueur, un regard distancié mais qui ne trompera personne sur sa réelle implication dans les moments de vie dépeints.
Chaque album de Kittin & The Hacker se doit de contenir au moins deux hits mondiaux, c’est une obligation car une coutume depuis l’origine du groupe. De ce point de vue, ‘Purist‘ devrait littéralement affoler aussi bien les charts que les fans quarantenaires de ‘Fade to Grey‘, mais tous les autres titres de l’album, en s’y plongeant avec précision, détiennent un potentiel tubesque hors limite : ‘Homme à la Mode‘ (« Jamais à la mode, c’est ça la mode », confesse Caroline) ou l’époustouflant ‘Malade‘ (comme du Elli et Jacno revu par l’electroclash martiale des Grenoblois), pour ne citer, au stade des premières écoutes, que des parangons nous trottant en tête – probablement ad vitam aeternam.
Caroline et Michel sont de retour : soudainement, tout va bien !
02. Ostbahnhof
03. Homme à la Mode
04. La Cave
05. Malades
06. Purist
07. Retrovision
08. Soyouz
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