Combien de Castafiore et autres beuglantes de tout crin qui s’adonnent à la gymnastique vocale pour une chanteuse capable de transmettre de l’émotion ? Combien de produits manufacturés destinés à séduire le public de radio-crochet pour une œuvre sincère et franche ? Le marché des « chanteuses à voix » est allégrement saturé, et bien trop souvent, la technique prévaut sur l’artistique. Alors, est-ce que Lùisa, armée de sa guitare en bandoulière et planquée derrière sa frange, remplit le cahier des charges ?
Déjà, on découvre que derrière ce simple prénom aux consonances portugaises avance une jeune Allemande de tout juste 22 ans. L’usage de ce patronyme comme nom de scène brouille les pistes et n’annonce en rien la couleur musicale de l’album. En effet Never Own se nourrit d’une culture pop séculaire et regarde du côté des meilleurs songwritters lettrés plutôt que vers la variété grand public – dans le même sillage que Daughter ou Arthur Beatrice pour citer d’autres artistes récemment arrivés sur le devant de la scène.
Ce qui épate d’entrée de jeu, c’est le niveau de maîtrise de la jeune femme, tant dans l’interprétation que dans l’écriture. On regarde d’ailleurs qui le puissant label canadien Nettwerk a-t-il dépêché auprès de sa pépite vocale pour composer, écrire les textes et produire ses chansons. Et de constater que Luisa Ortwein est seule ou presque (Benito Pflüger et Filippo Cimatti sont bien crédités à ses côtés d’elle pour la production, mais ce sont de parfaits inconnus qui semblent ici commettre leur premiers pas dans la cours des grands). Troublant donc… éliminer l’idée du produit marketté. On tient bien là une artiste complète – qui a d’ailleurs réalisé un premier album en 2012, On Youth Ago, sorti à compte d’auteur… Fichtre, la jeune femme est décidément précoce et talentueuse. Parce que si, par exemple sur l’irrésistible morceau ILJ, elle peut se permettre de nous démontrer toute la gamme de son incroyable tessiture, d’une basse profonde et voilée à un cristallin légèrement fêlé, n’allez pas imaginer que les compositions n’ont d’autre ambition que de servir de papier peint sonore à ce magnifique organe vocale : une guitare sèche, tout juste rehaussée d’une rythmique discrète catapulte la mélodie dans une dimension céleste. Les montées d’angoisse vertigineuse et les accalmies cajoleuses s’expriment sur des compositions électro-acoustiques parfaitement troussées, ménageant la profondeur de champs pour que s’exprime l’amplitude du chant. Même lorsque Lover commence avec une voix de baryton qui semble forcée, cela dure moins de 30 secondes, avant que la mélodie chaloupée se lance dans l’ascension d’un sommet de pop mélancolique sur un sentier bucolique et estival (comme si Air France ou The Embassy faisait un remix de la meilleure chanson de My Brightest Diamond). Bravant les frontières, Lùisa se dévoile en français sur L’Hiver En Juillet (tube assuré avec ses vocalises qui colle le spleen) et même en italien le temps du final All’inzio.
Bien construit, Never Own s’écoute et se réécoute encore et encore sans que pointe la lassitude, sans qu’on découvre ces artifices qui chez d’autres finissent par s’effriter et lasser. C’est bien que Lùisa a du coffre (et pas seulement sur le plan vocal). Une belle découverte, promise au succès.
02. Belong
03. Vision
04. ILJ
05. Wouldn’t Mind
06. L’Hiver En Julliet
07. Lover
08. More
09. Winterbird
10. Down
11. Mothertree
12. All’inzio