À force de s’enthousiasmer pour les Rouennais de MNNQNS et d’acclamer chacune de leurs sorties depuis l’ouragan Come to your Senses en 2016, on finissait par croire que le groupe possédait déjà un « véritable » premier album dans les bacs. Étrange et belle sensation qui consiste à tellement se sentir en connivence avec une formation qu’on l’imagine porteuse d’une pléthorique discographie – alors que non, bien sûr : deux EP vinyles, mais non des moindres, détiennent une place « Capital » à la lettre M de notre patrimoine intime. Il faut également dire que MNNQNS n’eut de cesse d’enquiller les chansons épiques, les concerts hystériques, jusqu’à se réinventer, pour le chanteur-compositeur Adrian, sous l’appellatif Modern Men…
C’est admirable : un groupe français, finalement très récent, qui partage avec nous, en seulement quelques chansons bravoures, une forme d’intemporalité passionnelle.
MNNQNS, à force de grenades dégoupillées, ne risquait-il pas de s’épuiser au moment du premier album ? Jeunesse n’est pas éternelle, dit-on… Heu, non, là, on déconne : Body Negative, tout en développant les précédents titres du groupe, est un putain de manifeste rock, un traité d’éternels jouisseurs qui s’accaparent trente années d’hédonisme indie-pop pour en proposer une recette aussi anar que génialement personnelle.
Haute qualité : Body Negative puise autant dans la sève punk du groupe, dans sa descendance Postcard Records, qu’il s’offre en parallèle divers horizons fortement Primal Scream (celui de Swastika Eyes, que l’on croirait entendre sur l’impérial Drinking from the Pond), voire même un troublant raccourci entre Wire et Blur (She’s Waiting for the Day, encore une grande chanson). En fin d’album, comme la promesse que tout reste encore à faire, Stagnant Pools est la plus belle chanson de MNNQNS à ce jour : délaissant l’axe shoegaze pour pleinement assumer son talent songwriting, tutoyant (inconsciemment ?) les récents travaux de DIIV, la classe MNNQNS s’impose ici comme largement au-dessus de ses concitoyens français mais également british (si seulement les derniers disques de The Horrors et Toy avaient pu détenir un titre tel que celui-ci…).
Ce n’est plus un pari, ce n’est plus l’attente d’une confirmation, ni même la crainte d’un génie éphémère, mais l’évidence d’un groupe français qui va durer. Longtemps. Un jour, la presse rock parlera de MNNQNS comme elle parle aujourd’hui de Taxi Girl ou des Rita Mitsouko : les témoins d’une époque.