EVENEMENT LIVE: Morrissey inaugure à Vegas une petite moitié de Bonfire of Teenagers

Viva Moz VegasC’est du presque jamais vu à ce niveau-là. Morrissey avait promis de révéler au public de sa nouvelle tournée (pour laquelle aucune date n’est annoncée sur le continent pour le moment) de larges extraits de son (nouvel) album, finalisé il y a plus d’un an, et pour lequel il ne semble toujours avoir aucune maison de disques : c’est chose faite. A l’ouverture d’un run de 5 jours au Colosseum de Las Vegas, l’ancien chanteur de The Smiths a ajouté au seul titre déjà révélé jusqu’à présent, I Am Veronica, rien moins que quatre nouveaux morceaux soit dans l’ordre d’apparition : Bonfire of Teenagers, Rebels Without Applause, Sure Enough The Telephone Rings et finalement I Live In Oblivion.

I Live In Oblivion : drame à l’EHPAD d’Hollywood

Quatre chansons plus une, ce qui donne désormais plus qu’un aperçu sur cet album mystérieux, au sujet de la sortie duquel le chanteur a ironisé disant que les gens avaient sans doute le temps de vieillir et de mourir avant qu’ils ne puissent en prendre connaissance. C’est du reste autour du temps qui passe, du vieillissement et de l’âge que se nouent les textes des nouveaux morceaux. I Live In Oblivion évoque ainsi de manière assez émouvante, humoristique et cruelle, le sort des vieilles personnes qui finissent leur vie dans les Ehpad. Avec son fond d’écran Jean Gabin, la chanson est peut-être la plus juste et la plus convaincante des quatre, malgré une mélodie assez peu marquante et un faux rythme qui ne joue pas en sa faveur. Il manque quelque chose à ce titre pour égaler les grands morceaux récents sur le drame de la vieillesse et de l’oubli mais le final est somptueux et d’une belle tristesse, tandis que le chanteur prend sa « pilule » et qu’une infirmière imaginaire le gratifie d’un sinistre « there’s a good boy ». Tu es un grand garçon !

Bonfire Of Teenagers : retour sur l’attentat de la Manchester Arena 2017

Notre jugement n’est pas si différent concernant Bonfire of Teenagers, chanson beaucoup trop longue mais d’une belle élégance qui revient sur la légitime colère qu’on peut éprouver face à l’Attentat de la Manchester Arena du 22 mai 2017 qui a fait 23 morts. Morrissey prolonge son exploration des événements traumatiques de la ville de Manchester (après Munich 1958 et Suffer Little Children) « Silly people say dont look back anger.… », chante Morrissey en guise de refrain. Hé bien, si ! Il faut que cette colère s’exprime… Il est très probable que ce titre sera controversé s’il sort un jour. En effet, Morrissey fait référence de manière assez explicite à la réaction que lui inspire les attentats et autres crimes terribles. « Go easy on the killer. », se moque-t-il de ce que recommande la société pour contrarier ses propres pulsions de revanche. « Ménagez le tueur »… préconisant ainsi un châtiment rude et probablement violent. De là à ce que certains y voient une apologie voilée de la peine de mort, il n’y a qu’un pas. Il y a dans son chant une absence d’agressivité qui désamorce toutefois le propos, nous laissant effondrés et songeurs face à une chanson si sobre et désolée.

Rebels Without Applause : le retour du dernier playboy international

Rebels Without Applause est plus convaincante mélodiquement avec des réminiscences évidentes de Cemetry Gates et de Ammunition, deux anciens morceaux de Morrissey (le premier de l’époque de The Smiths, le second tiré de Maladjusted). Le Moz semble nous refaire le coup de The Last of The Famous International Playboys, en se posant en dernier témoin d’une lignée de chanteurs rebelles maintenant usés, oubliés ou morts, tandis que se pavanent les apprentis superficiels et autres pop stars d’opérettes déjà dénoncées sur The World Is Full of Crashing Bores. Le single fonctionne bien, emballant et catchy, bien servi ici par la guitare expressive et jangly d’un Alain Whyte de retour aux côtés de son leader.

Sure Enough, The Telephone Rings : la peur de ra/décrocher

Le dernier morceau, Sure Enough, The Telephone Rings, est délibérément plus pop et variétoche. Titre bref (moins de 2 minutes 40), rentre dedans et pétri d’humour, Sure Enough The Telephone Rings, se rit (jaune) de la solitude du chanteur déchu dont le téléphone ne sonne plus jamais pour l’amitié et l’amour mais uniquement pour qu’on lui…. emprunte de l’argent ou qu’on ne l’assomme de mauvaises nouvelles. Par delà la côté critiquable (inconfort de… riches) et la relative faiblesse du texte, le titre rappelle l’efficacité plaisante du récent Spent The Day In Bed, sans le côté râleur politique, et pourrait, bien produit, alléger l’atmosphère en fin d’album.

Quatre titres, quatre ambiances et un Morrissey au ralenti mais qui a quand même quelques belles choses à chanter et à raconter. Le chanteur est apparu très à son avantage sur ces deux concerts déjà donnés : une voix remarquable, une attitude conquérante et pleine de classe, mais aussi une capacité à se renouveler qui épate avec une setlist qui permet de découvrir aussi une version live absolument splendide de My Hurling Days Are Done, chanson tirée de son précédent disque, ou de retrouver avec bonheur un Our Frank, plus joué depuis… 1991.

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