Étrange objet que cette compilation Parlophone estivale et étrange initiative que de promouvoir une telle sortie, anecdotique, commerciale et sans véritable nouveauté, à une époque où le Moz-bashing est à son zénith. Si Parlophone a toujours pris soin de faire vivre le back catalogue, en allant jusqu’à soutenir Morrissey dans son entreprise révisionniste de ses albums anciens, This Is Morrissey, on l’a dit, est depuis sa photo de couverture (belle mais ancienne) jusqu’à son titre une vraie bizarrerie.
Qu’ont ces titres à voir ensemble ? Et pourquoi maintenant ? C’est bien sûr la question qu’on se pose depuis le début et tout du long, en tâchant de trouver un sens caché à cet ensemble bringuebalant d’anciens hits (The Last of The Famous International Playboys, Everyday Is Like Sunday, Suedehead), composés à l’époque héroïque et aux oreilles rabâchés, de morceaux plus tardifs mais tout aussi emblématiques (Speedway) et de titres, connus mais plus discrets tirés de eps somptueux (le boxers ep) ou d’albums mal aimés (The Harsh Truth of The Camera Eye). On s’était dit que le sens viendrait avec la découverte de l’objet et que sûrement nous apparaîtrait alors la logique du regroupement ainsi que la morale de l’histoire. Mais force est de constater qu’après plusieurs écoutes, dans l’ordre et le désordre, ainsi que la lecture d’un livret plutôt surréaliste qui essaie de resituer le grand homme dans sa grande vie (parce qu’il en a bien besoin actuellement… ne dit pas le sous-titre), on n’y pige toujours que dalle.
This Is Morrissey est un mystère et c’est là que cette énième compilation prend toute sa valeur. Le type qui a sélectionné les morceaux a voulu mélanger les époques et a peut-être (peut-être, dit-on), comme pourrait le faire un fan dans sa chambre, voulu réunir là des titres qui lui plaisaient. C’est en soi une bonne nouvelle que cela puisse arriver, que l’industrie fasse n’importe quoi… pour vendre, certes, mais comme l’imbécile montre le doigt qui montre la lune qui achète le disque, peu importe. This Is Morrissey est à la hauteur de l’absurdité des temps, un album immense, assemblage idiot mais somptueusement classe de titres eux-mêmes souvent grandioses pour ce qu’ils sont et expriment. Il faut se souvenir de cela avant de traiter Morrissey de raciste ou de le considérer comme une créature déchue. Morrissey signe avec Satellite of Love une reprise de Lou Reed qui n’est pas loin de dépasser l’originale. Il signe avec Speedway l’une des chansons les plus justes et les plus belles sur la (fausse) culpabilité humaine et l’héroïsme. Il parle aux fantômes sur Ouija Board, Ouija Board comme Conan Doyle à l’oreille des spectres. Ses tableaux réalistes sont beaux comme des peintures flamandes et ses chansons d’amour sont à tomber. La version studio de Jack The Ripper, seule faute de goût ici, est cent fois moins réussie que la version live. Le Boxers Ep (sans Boxers cette fois) est probablement le disque le plus précieux de sa discographie. La production de Clive Langer sur Kill Uncle n’a pas très bien vieilli. Mais quelle force ! Quelle inspiration ! Quelle voix ! Vous en voulez encore ?
Ecoutez Angel, Angel, Down we go Together. Ou bien non, juste Lucky Lisp et ça suffira. Ce n’est pas une chanson qu’on remarque d’habitude. Ce n’est la préférée de personne et pourtant…. il faut lire le texte et le comprendre, puis entendre Morrissey lui donner vie :
« When your gift unfurls
When your talent becomes apparent
I will roar from the stalls
I will gurgle from the circle
The saints smile shyly
Down on you
Oh, they couldn’t get over
Your nine-leaf clover
Lucky lisp wasn’t wasted on you »
Il fut un temps où Morrissey écrivait de la poésie. C’est quelque chose qu’il a un peu perdu avec le temps et qu’on peut redécouvrir utilement ici. Lucky Lisp est juste la face B des Famous Playboys, le titre 5 de la face B de Bona Drag (déjà une compilation). Mais c’est une chanson qui contient un monde entier : celui de l’amour inconditionnel et de l’admiration, celui de la révérence et du respect de la célébrité future. Celui de la personne qu’on laisse derrière soi à un moment où un autre. Morrissey est le chanteur des gens qu’on laisse derrière soi. Le chanteur de ceux qui ne rattraperont jamais le peloton, le chanteur des décrochés et des cloches.
This Is Morrissey aurait pu s’appeler This Was Morrissey, diront les mauvaises langues. Tant que la drogue est bonne…. le flacon a l’ivresse et tout le toutim. C’est business as usual, bien sûr, mais qu’y a-t-il de mieux à faire ?
02. Ouija Board, ouija board
03. Speedway
04. Have-A-Go Merchant
05. Satellite of Love
06. Suedehead (Mael Mix)
07. Lucky Lisp (remastered version 2010)
08. Whatever happens I Love You
09. You’re The One For Me Fatty (live)
10. Jack the Ripper
11. The harsh Truth of The Camera Eye
12. Everyday is Like Sunday (remastered 2010)
7,2 je trouve cette note bien élevée ! en effet il manque des titres essentiels dans cette compilation !
quid de hold on to your friends , late night maudlin street, trouble loves me, life is a pigsty et j’ en passe !
Jack the ripper faute de gout ? c ‘est 10 fois meilleur que Lucky lisp qui est du niveau d une très moyenne face B
mais c ‘est vrai qu ‘ici on retrouve un cover comme si il n avait pas assez de perles dans son répertoire
cela en dit long sur les gouts du Moz lui seul étant capable de rééditer ses propres disques en enlevant des titres !!!
comme dirait un ami , c ‘est le roi du marketing !
La note est généreuse peut-être encore que… l’idée était de montrer que même sur une compilation à 75% à visée commerciale (les 25% restants étant motivés par la volonté de Parlophone de faire vivre le catalogue qui lui appartient), même sur un ordre aléatoire et une sélection qui ne relève d’aucune rationalité, les chansons l’emportent et que le Moz de la période… bah…ça reste irremplaçable. Les chansons que tu cites (trouble, pigsty) ne font pas partie (sauf erreur de ma part) de la discographie Parlophone. Et puis la sélection semble avoir fait l’objet d’un jet de dés ou d’un tirage au sort : du grand n’importe quoi, comme si on s’était amusé à la faire entre amis. Lucky Lisp : j’aime bien,et oui, Hold On to Your Friends et Maudlin Street, ça aurait eu une sacrée gueule aussi. On devrait tous s’amuser à sortir notre compil. C’est le message…. Roi du marketing je ne sais pas. J’ignore à qui ils espèrent vendre ça : pas idéal pour découvrir et pas vraiment attirant non plus pour les fans.
Très bon article, j’ai trouvé après avoir lu l' »épitaphe à M. E. S. De The Fall.
Pas encore acheté mais l’hésitation est partie avec et au fur et à mesure de sa lecture.
J’avais beaucoup apprécié son dernier concert à l’Olympia, et je râle tout seul dans mon coin quand je le vois acculé à de tels propos, but You know « Life is a pigsty »!!
Bonnes vacances à vous !
Merci pour votre retour. C’est un disque sans prétention mais qui s’écoute avec plaisir. C’est là l’essentiel. Possible qu’il ne faille plus attendre du Moz que ce genre de réconfort. En concert comme en disque.
je trouve votre article très beau et l’on perçoit, malgré votre ton agacé, le très grand fan de morrissey qui est en vous.
Merci pour ce moment…
Merci pour le compliment. Oui, grands fans du Moz devant l’éternel, un peu affectés par le tour des choses ces derniers mois/dernières années.