[Documentaire] – Danny Garcia / Nightclubbing : The Birth of Punk Rock in New York

8.6 Note de l'auteur
8.6

Danny Garcia - Nightclubbing : The Birth Of Punk Rock In NYC

A la poursuite d’une histoire absolue du punk, le journaliste Danny Garcia s’offre avec ce nouveau documentaire de près d’1H30, l’histoire des deux clubs les plus célèbres de New York : Max’s Kansas City et le CBGB. Dans l’imaginaire des plus jeunes, ces deux clubs se confondent et ont accueilli les plus grands heures du punk américain naissant et de l’avant-garde rock depuis les New York Dolls jusqu’à Suicide et au Velvet Underground.

Nightclubbing The birth of Punk Rock in New York s’intéresse d’abord à Max’s Kansas City, restaurant changé en salle de concert, fondé par un dénommé Mickey Ruskin et qui devient à compte de son ouverture en 1965, un endroit fréquenté par de nombreux artistes branchés new-yorkais. Il devient assez vite le repère d’Andy Warhol et des artistes de la Factory, qui se trouve à deux pas, ce qui accélère évidemment l’exposition du lieu aux premiers mouvements arty musicaux. On croise dans cette première partie du documentaire les Stooges, Alice Cooper, Billy Idol et quelques autres. Le Velvet et les New York Dolls tiennent l’affiche mais c’est sans doute l’arrivée d’Iggy Pop qui constitue le principal élément de radicalisation punk de cette scène alternative. Son animalité naturelle l’impose comme le parrain du rock, lui qui, contrairement aux autres, n’est pas originaire de New York.  En 1971, la fermeture du Gaslight accélère la concentration des concerts sur Max’s. Alice Cooper prospère autour d’un cocktail de hard rock, de punk, de glam et de violence. Bowie, Lou Reed et Mick Jagger se croisent dans ces années-là, mais on y verra aussi Stanley Kubrick, Dennis Hopper, Elizabeth Taylor, George Harrison et bien d’autres. Debbie Harry est d’abord serveuse puis s’impose comme chanteuse. La densité de personnalités, d’artistes de tous horizons est extraordinaire. Les New York Dolls deviennent des résidents quasi permanents, offrant aux invités une distraction presque pittoresque, sans parvenir vraiment à s’imposer en dehors de cet espace hors du temps et de l’époque. Le club édite une célèbre compilation en 1976, une autre en 1977 et fermera ses portes en 1981 de manière presque soudaine, sans qu’on comprenne vraiment si la situation économique s’était dégradée ou si le propriétaire avait décidé sur un coup de tête de passer à autre chose.

La seconde partie du documentaire prend pour sujet le CBGB, club qui ouvre dans un quartier mal famé un peu plus tard en 1973. Au milieu des années 70, la ville est dangereuse et le club, immense, l’un des seuls établissements qui permet à des groupes inconnus et sans expérience de se lancer sur scène. Les débuts sont compliqués mais la réputation du club décolle après un an ou deux. Le propriétaire Hilly Kristal n’est paradoxalement pas emballé par la musique qu’il se met à accueillir et qui lui ramène, au fil des mois, une clientèle nouvelle et assez nombreuse. Les deux clubs, Max’s et le CBGB, se partagent les groupes. Certains jouent quasi exclusivement chez Max’s. Certains ne se produisent qu’au CBGB. Le club est un poil moins branché, dégueulasse en raison des excréments déposés un peu partout par le chien du propriétaire et parce que les toilettes ne sont pas nettoyées. Pour s’y rendre, il faut traverser les coulisses/backstage ce qui tend à rapprocher le public des artistes.

Sur la seconde partie du documentaire, Garcia s’intéresse un peu plus aux groupes qui émergent. On passe assez vite une nouvelle fois sur les New York Dolls avant de causer de Blondie, des Ramones, Wayne County, des Talking Heads et de quelques autres. L’enjeu majeur des groupes de cet environnement est paradoxalement de pouvoir en sortir pour grandir et viser un certain succès. Jouer au Max’s est parfois vécu comme une malédiction, une étiquette qui témoigne de votre radicalisation et de votre incapacité à pénétrer un univers plus mainstream. Ajoutez à cela la réputation (non usurpée) liée à l’usage des drogues, et vous tenez un CV qui est susceptible d’effrayer plus d’un label. Garcia donne également la parole à Ruby de Ruby and The Rednecks, l’une des figures les plus hautes en couleurs de la période.

La fin des années 70 marque une certaine dramatisation des enjeux. L’époque s’obscurcit et la consommation de drogues entraîne son lot de tragédies. Les gens, artistes et publics, baisent dans les toilettes et s’envoient en l’air. La vie des clubs sombre dans la folie furieuse. Les rapports entre les personnes se durcissent et l’histoire touche à sa fin. La scène hardcore démarre à l’épicentre des années 70 au CBGB avant que la légende se referme. Les groupes sont chassés du lieu car trop violents. Le CBGB ferme en 2006 suite à un imbroglio autour de son loyer. Patti Smith y donnera le dernier concert.

Avec sa facture classique et ses nombreux témoignages, le documentaire de Danny Garcia fait revivre d’une manière remarquable cette ambiance particulière. On regrettera juste que le documentaire, pourtant assez fouillé, n’ait pas laissé plus de place aux extraits live et aux musiciens. Les témoignages l’emportent un peu sur les travaux pratiques, et on aurait aimé aussi que Suicide soit un peu plus que juste mentionné. Mais gageons que Garcia fera peut-être d’Alan Vega et Martin Rev, les sujets d’un prochain film. En attendant, cette histoire du NY underground est évidemment à découvrir de toute urgence.

Le documentaire est diffusé dans le cadre du festival Musical Ecrans 2022

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