2016 (comme 2015) : année glauquissime, sans espoir ni rêve. Les italos-berlinois Sneers, avec leur troisième album With Flames Like Hope To Mortal Givens (sorti en septembre dernier en catimini – d’où chronique honteusement décalée), confirme cette sensation de morosité et de pessimisme radical.
Le plus effrayant dans la musique de Sneers, c’est qu’elle ressemble à l’époque. Ici, tout n’est qu’individualisme dépité (« I don’t care about your friends / they’re all alive and mine are dead »), difficulté à trouver une quelconque place dans un monde qui nie l’égalité entre tous (« Every place is the wrong one for me to stand / Every race is the wrong one for me to get on with »), crainte d’un soudain basculement du quotidien (« I got a gun full of love / I bet our God cheated on us all »). Une musique recroquevillée sur elle-même, inquiète, malade de vivre, qui ne croit plus en rien et surtout pas en cette aberration nommée « Dieu ». Et tant qu’à faire, mieux vaut hurler les mots plutôt que de chercher la confession susurrée ou la douceur mélancolique. Maria Greta (chant et guitare) ressemble, à sa façon punk, à l’Isabelle Adjani du film Possession : incantation des phrases, répétitions jusqu’à l’extinction vocale, cracher ou vomir, danse shamanique… L’auditeur n’est finalement pas si loin de Bardo Pond (en moins Technicolor) ou du Death Valley ’69 de Sonic Youth (sans l’avant-gardisme new-yorkais).
Musique déglutissant ses tripes jusqu’à y inscrire des marques gore, morceaux cassés et fracturés, obsédés par la mort et la nostalgie de la communauté sociale… Très bien. Mais en quoi cet album fascine-t-il autant ? En quoi le nouveau Sneers ne donne-t-il heureusement guère envie de sortir le rasoir et de s’achever dans la salle de bain ? Par sa violence.
Naviguant dans un post-punk assez contemplatif, With Flames Like Hope To Mortal Givens est néanmoins parcouru de spasmes hardcore, de soudaines explosions iroquoises. L’affaire déraille souvent, ne tient pas le rythme imposé : Sneers déteste la belle ambiance mortuaire, il lui faut, quoi qu’il arrive, laisser rugir sa frustration. Ce qui permet au groupe d’éviter le « m’as-tu vu » spectral de même que l’hyper conscience d’un macabre trop affiché.
Il faut parfois du temps à Sneers afin d’atteindre cet état de transe (d’où quelques longueurs) ; mais une fois le but à portée de main, cette musique redevient primaire, animale, ordurière – PG-13.
02. It’s My Mind That’s Bleeding
03. Die, Do Me A Favor
04. I Bet Our God Cheated On Us All
05. La Chanson Pour Survivre
06. A God’s Abuse
07. Waves Are Flames And I Don’t Fear The Sky
08. Baby I’m Glowing (Heading To A Savage Place)
09. Sunshine On My Head
10. Prison Ballad