JONES (aka Cherie Jones-Mattis) s’écrit indifféremment désormais en minuscules ou en majuscules. Il nous avait semblé au début de sa carrière que la jeune anglaise privilégiait l’emploi de la majuscule, histoire sans doute de se distinguer un tantinet de la légion de JONES/Jones qui font l’ordinaire artistique de ce patronyme. On espérait que le premier album de la jeune femme, dont on était tombé follement amoureux (de la voix…) sur son premier single, nous permettrait de renforcer cette coquetterie stylistique à son avantage, mais non. New Skin est une vraie déception. Pas un mauvais album mais juste une déception pour ceux dont la soul soupée n’est pas la langue maternelle. L’album est gentillet, bien produit (si l’on entend par là que les enluminures ne débordent pas sur le produit et que le bon goût instrumental est respecté), soyeux à souhait mais brille surtout par son académisme et son manque total de surprise. La liste des producteurs est pourtant aussi longue que prestigieuse. De l’Ecossais Mc Donald à l’anglais Tourist, en passant par Two Inch Punch, tous les grands noms du son british ont trempé dans l’affaire.
Sans doute est-ce qu’on avait trop espéré/fantasmé sur le renouveau que pourrait donner Jones au genre. Cette fille avait tout pour elle : puissance, sensualité, grain de voix à tomber et surtout ce qui nous semblait une audace dans l’élégance et le transport qu’on avait pas croisée depuis… Sade. Voilà qu’on allait racheter la soul par sa face Est, la Noire, l’Est Londonienne, après le dévoiement drogue et tatouage de routier de la grande Amy Winehouse, le retour de la New New Soul qui invente et enchante, qui élève et vous ensorcelle à l’ancienne. Mais non. Enfin oui, mais non. Le premier morceau Rainbow, et plus généralement les quatre premiers titres de l’album dont trois qu’on connaissait déjà, forment un bloc qui laissait espérer mieux. Rainbow notamment est un beau déballage des qualités de la jeune femme : passer sur quelques secondes d’un mode intimiste à une envolée romantique, susurrer, érotiser puis s’effondrer sont des choses que Jones fait avec une facilité épatante et qui confèrent, malgré tout, à cette chanteuse un pouvoir très spécial sur l’oreille humaine qui n’est nullement affecté par l’écoute de New Skin. Mais la production éteint l’incendie et ne propose rien du tout. Les chansons sont molles et les textes aussi excitants qu’une poésie de jeunesse. Out of This World est calibré pour passer à la radio et met en avant un refrain supposément intense qui est une insulte à la délicatesse et au bon goût, tandis que le nappage instrumental fait penser à l’emphase dégoulinante de Coldplay. On peut aimer cela mais aussi trouver que cela ne présente pas grand intérêt dans la durée. Le ventre mou de l’album est une purge : Waterloo, Wild, Walk My Way sont plus insipides qu’affreux comme si, passés les singles qu’on connaissait et qui nous avaient attiré, il n’y avait rien de mieux à vendre.
Manque de chansons, manque d’inspiration, son mainstream et à la texture commerciale stéréotypée, il ne nous reste que la voix de Jones pour pleurer et s’ennuyer en pensant aux jours meilleurs. L’artiste semble cocher des cases comme on passerait un entretien d’embauche : la balade, la chanson pop, la chanson soul, le truc triste à pleurer, le fort en joie. Faut-il y voir l’influence de Justin Parker, l’un des collaborateurs de Lana Del Rey, avec lequel elle a travaillé ? Tout ceci est magnifique, mais si lisse, si parfait que cela en devient toc. Ecouter Jones, c’est au bout de vingt minutes comme coucher avec un mannequin (mâle ou femelle) en plastique. New Skin ressemble à une pelure de serpent qu’on enfilerait pour avoir bel air mais en prenant grand soin de ne pas dévoiler l’intérieur ou l’intime. Les chansons n’évoquent rien de précis et pourraient tout aussi bien être chantées par n’importe qui. C’est là qu’est le drame. Peut-être que Jones à 25 ans n’a pas encore l’étoffe pour transcender un matériau médiocre. Ou peut-être est-ce qu’on s’est trompé depuis le début.
Lonely Cry et New Skin qui terminent l’album nous laissent un peu d’espoir. Difficile de ne pas voir les promesses de beauté et de jours sublimes derrière de telles chansons. Une interprète est née, c’est certain mais elle a choisi pour le moment de faire carrière au rayon « variétés et autoradios« .
02. Indulge
03. Hoops
04. Melt
05. Out of This world
06. Waterloo
07. Wild
08. Walk My Way
09. Tomorrow is New
10. Bring Me Down
11. Lonely Cry
12. New Skin