Si le premier album de MJ Guider, Precious Systems (Kranky – 2016), constituait déjà une formidable invitation à lâcher prise, le temps en avait estompé les effets. Quatre d’absence discographique, c’est long dans le brouhahas de la surproduction numérique. Mais au pays des taiseux, ce n’est qu’un instant et dès l’entame de Sour Cherry Bell, la notion de temporalité s’estompe. Les compositions de Melissa Guion n’ont que faire des affres du présent, des frémissements du monde, du bourdonnement généré par les autres, tant elles proviennent du tréfonds de son âme et de ses songes les plus obscurs.
Pour en mesurer l’étendue émotive et en apprécier la pertinence, il faudra s’astreindre à la même exigence que celle requise par les albums de son aîné Pan American ou de sa consœur Grouper : s’isoler du quotidien et se plonger dans un volume sonore enveloppant. Sans cela, on ne discernera pas grand-chose des compositions de la jeune femme : des lambeaux de mélodies fuyantes, des envolées vocales flottant sur un nuage de synthétiseurs modulaires et surtout, surtout, des basses sourdes. Ce serait bien dommage, tant le mastering réalisé par Joshua Eustis (Telefon Tel Aviv) respecte et sublime le travail de sound-maker de MJ Guider qui applique une production shoegaze à ses ballades gothiques, rehaussées de sonorités électroniques typiquement 2.0.
Quiet Time pourrait ainsi être présenté comme un remix technoïde de Cocteau Twins, comparaison inévitable tant Melissa Guion s’est inspiré de la façon si particulière de chanter de Liz Frazer. Dans le même registre, FM Secure est aussi un moment d’anxiété oppressante déchirée par une lumière aveuglante qui évoquera immanquablement Bowery Electric et plus encore Seefeel. Ces points de convergence sont comme des balises dans ce brouillard épais par lequel on se laisse volontiers happer, pour s’étourdir loin de ce monde extérieur qu’on a plus que jamais envie de fuir.