On a toujours gardé beaucoup de tendresse pour le travail de Guy Chadwick et The House of Love. Notre attachement n’a pas toujours été récompensé, même s’il y a rarement eu des productions signées par le groupe au fil des années, au sein desquelles on ne pouvait pas retrouver des traces de la virtuosité et de la brillance de leur compositeur en chef. Ceux qui se sont intéressés au personnage de Guy Chadwick savent que le bonhomme n’a rien à envier en matière d’excès (éthyliques principalement) et de mauvais caractère à d’autres grands hommes du rock indé anglais. Il partage avec Mark E Smith de The Fall l’idée de faire, au fil du temps, House of Love à lui tout seul, ce qu’exprime assez bien ce nouvel album, A State of Grace, interprété avec un line up entièrement renouvelé et dont les compositions sont globalement réalisées de A à Z par Chadwick lui-même. Cela faisait quasiment dix ans que le groupe n’avait rien enregistré mais ce n’est pas pour autant que A State of Grace est un album cohérent et bien pensé.
Chadwick l’a déclaré lui-même en interview : la période de confinement lui a donné l’occasion de s’ennuyer et de travailler un peu, ce qui a abouti à de nouvelles compositions mais aussi à la remise en chantier de chansons dont il avait eu l’idée par le passé et qu’il avait laissées en plan. Autant dire que cela se sent à l’écoute de ce nouveau disque qui ne brille pas par son unité de ton et d’esthétique. A State of Grace se présente ainsi plus comme une compilation de morceaux assemblés pour en faire un LP que comme un vrai disque. C’est une qualité par moment (on trouve du bon et du moins bon) mais principalement un défaut qui défie la capacité à s’attacher à une écoute… dans l’ordre et intégrale. Pour dire la chose, on trouve ici tout et n’importe quoi. Le démarrage est étrangement bluesy avec un Sweet Loser plutôt surprenant quand on suit le groupe mais qui augure d’une capacité à innover qu’on trouve de prime abord stimulante et intéressante. L’album convoque des instruments inédits chez House of Love : des guitares hillbilly (?), un harmonica… qu’on s’attend plus à retrouver chez un groupe d’Americana que chez un groupe de rock anglais.
Sweet Loser intrigue, Light of Morning inquiète dans un registre folk mainstream assez similaire mais qui donne le sentiment que Chadwick a passé trois ans en prison avec Bob Dylan et Billy Childish, et qu’il a obtenu la garde du banjo. On est clairement pas venus là pour ça et encore moins pour les deux atroces titres que sont Melody Rose (un rock sonore et gluant au possible) et le musculeux et maladroit Clouds, titre qui fait penser à une chute de studio des Waterboys ou à une version atrophiée du Love Spreads des Stone Roses. Mine de rien, on est déjà à mi-disque quand finit par démarrer une chanson potable. C’est avec Into The Laughter que la magie opère. Cela démarre, comme souvent chez Chadwick, avec un petit verre de vin et c’est parti pour une chanson miniature ravissante et pleine de subtilité. Cela ne va rien révolutionner du tout mais State Of Grace se donne enfin une chance de répondre aux promesses de son titre.
Hey Babe est une jolie proposition qui sonne comme l’alliance de Prefab Sprout et des Silverjews. La guitare est légère et la voix de Chadwick enjôleuse et un brin désinvolte. La seconde moitié du disque rattrape rapidement la première sans se vautrer pour autant dans la pop mélodique. Sweet Water nous rassure sur la capacité du groupe à hausser (un peu) le ton sans se viander et In My Mind a plutôt belle allure. C’est la première chanson qu’on a envie de chantonner un peu et qui apporte un rayon de soleil dans la chambre. Chadwick fait une sorte d’imitation assez cool de… Leonard Cohen, tout en continuant à s’envoyer des verres de vin dans le nez. L’inspiration ne laisse guère de doute quand à sa provenance…. mais on a pris l’habitude avec le groupe d’aller dénicher ce qui est bon à prendre et de laisser le reste… reposer en paix. State of Grace, la chanson, aurait pu figurer sur Babe Rainbow (1992) avec ses guitares qui hésitent entre le rock et la jangly music. On retrouve par instant la singularité du groupe et sa capacité à mêler les registres au coeur d’une même chanson. Ni tout à fait british, ni tout à fait américain, House of Love figurait alors le chaînon manquant entre la britpop à venir (on pense ici aux Irlandais de A House) et du rock FM US plus mainstream et rudimentaire (qu’incarnerait aux yeux du grand public… REM). C’est l’esprit de Dice Are Rolling, une chanson ni bonne, ni mauvaise mais un peu trop classic rock à notre goût. Le final, Just One More Song, est à l’image du disque entier : anecdotique mais fédérateur, chaleureux mais pas décisif. C’est assez pour le coup, pour nous donner envie de picoler avec Chadwick et de prendre notre voisin de tablée par le coude comme si on émargeait dans un banquet bavarois ou un afterwork chez les Pogues.
Bref, il y a bien 4 ou 5 chansons à sauver ici mais guère plus. Le signe de vie est encourageant mais nous ramène plutôt vers la compilation estivale des années Fontana, sortie quasi simultanément chez Cherry Red Records, et qui reprend toute la production du groupe entre 1989 et 1993. Le coffret comprend 8 disques pour à peine 30 euros et c’est clairement une bien meilleure affaire que ce nouveau LP.
02. Light of The Morning
03. Melody Rose
04. Clouds
05. Into The Laughter
06. Hey Babe
07. Sweet Water
08. Queen of Song
09. In My Mind
10. A State of Grace
11. Dice Are Rolling
12. Just One More Song