Une fois n’est pas coutume on s’intéressera à la musique « from the motion picture » plutôt qu’à la bande originale strictement instrumentale. S’agissant d’un film avec Tom Cruise et de la suite du légendaire Top Gun de Tony Scott, il nous fallait bien ça pour (res)sentir intimement la taille du suppositoire.
L’expérience est de taille et permet à l’amateur de musique de films d’encaisser l’équivalent de 10 ou 15G de pression, rien qu’en passant de la plage 1 à la plage 2. Accrochez les ceintures. Ca démarre avec un thème magistral et tout en finesse d’Harold Faltermeyer, compositeur munichois impeccable et qui partage ici les crédits (un peu bizarrement) avec Hans Zimmer, et ça enchaîne avec le non moins admirable Danger Zone de Kenny Loggins, revenu nous hanter depuis l’original de 1987 avec son mélange de solos de guitares dégoulinants et de power rock pour motards et aviateurs BDSM. Bienvenue dans l’univers de Top Gun Maverick. Un univers où le ridicule ne vous tue pas mais vous rend plus fort, où la Russie est l’ennemi (ah bon ? ) et où tous vos problèmes peuvent se résoudre avec un looping, une bonne bière et un regard noir qui foudroie l’adversaire.
Écouter cette BO est à la fois une épreuve digne de Pete Maverick Mitchell et un très agréable exercice de style. Difficile en effet de concilier les compositions raffinées et millimétrées d’un Harold Faltermeyer, compositeur de la BO originale et les effets de manche amorcés par les chansons pop qui rythment et ponctuent un récit épique et grandiloquent. Les deux appartiennent à des univers différents, même si Flatermeyer s’y connaît en matière de grand écart. On lui doit les BO du Flic de Beverly Hills, de Running Man et aussi de Tango & Cash, mais il a surtout fait le directeur musical pour des sucreries de Donna Summer, Blondie ou les Pet Shop Boys. La musique de Faltermeyer, que vient solenniser un Hans Zimmer dont on mesure assez mal l’apport mais dont on peut reconnaître ici ou là l’emphase orchestrale, est une musique allègre, ouverte et qui, paradoxalement, contient en elle une fenêtre pop qui ne demande qu’à être entrouverte.
Quelques plages sont très réussies bien qu’assez mainstream et sans véritable identité. Faltermeyer et Zimmer font le fan service entre clins d’oeil aux arabesques du passé et volonté de servir l’action au plus près. C’est basique, efficace mais ça s’écoute avec un mélange de bonheur et de distraction. Darkstar est une pièce d’école, à cordes et tout en crescendo qui remplit complètement sa fonction : faire monter le désir, gérer l’afflux de sang dans les extrémités sans que cela déborde.
On est carrément fascinés par l’excellent The Man, The Legend/ Touchdown, le grand et beau morceau du disque mais aussi stupéfaits par le degré de kitscherie atteint par la relecture du grand thème du film. Le mélange de cuivres, de guitares (synthétiques?) et de cordes vaut son pesant de cacahuètes, produisant à l’oreille un effet de sidération dont on ne sait pas bien s’il est bon ou mauvais (on penche toutefois pour la 2nde option). On aurait évidemment aimé plus de morceaux de liaison ou intimes comme le très bon Penny Returns mais personne ne vient pour ça. Le film est une horreur et la BO se doit de se mesurer à cette débauche de vulgarité héroïque. Dagger One Is Hit est très bien et il faut avouer qu’on se sent très fort et prêt à en découdre après avoir mis You’re Where You Belong / Give ‘Em Hell à plein volume. C’est viriliste mais pas trop, musclé mais pas trop. Prétendre qu’on entend de la subtilité là dedans serait mentir mais les gros sabots musicaux sont tout de même une taille en dessous que ceux chaussés par le cinéaste.
Côté pop, on a droit en bonus à une surréaliste reprise de Great Balls of Fire par Miles Teller, acteur du film, destinée à nous donner une idée de la camaraderie qui règne à Top Gun (et qui nous donne envie de relire Keats), et, « cherry on the cake », bien entendu, le grand défi du disque : celui d’aller rivaliser avec le Take My Breath Away de Berlin qui électrisait le premier opus.
C’est Lady Gaga qui s’y colle pour un Hold My Hand qu’elle a maturé pendant plusieurs années, assez cool mais quand même un peu balourd sur les bords. La rythmique est appuyée. La tentative de faire lever l’émotion est louable mais tellement téléphonée que le soufflé retombe assez vite. C’est gluant et sans grâce véritable mais cela remplit le cahier des charges et permet à Tom Cruise de soutenir son sex-appeal.
On l’aura compris : cette BO aura une durée de vie et de réécoute à peu près égale à celle du film qu’elle accompagne. Sur un malentendu… cela peut marcher (et c’est en train de marcher), mais on est tout de même face à un produit non cohérent, daté, manufacturé de la meilleure/pire des façons. Ce qui est certain, si on a pu tomber dans la combine sur le savoir-faire de ceux qui ont trempé là-dedans, c’est qu’on va essayer d’oublier ça très vite.
02. Danger Zone by Kenny Loggins
03. Darkstar
04. Great Balls of Fire (Live) by Miles Teller
05. You’re Where You Belong / Give ‘Em Hell
06. I Ain’t Worried by OneRepublic
07. Dagger One is Hit / Time to Let Go
08. Tally Two / What’s the Plan / F-14
09. The Man, the Legend / Touchdown
10. Penny Returns – Interlude
11. Hold My Hand by Lady Gaga
12. Top Gun Anthem