Dans un vieux numéro des Inrockuptibles hebdos (où il écrivait alors) consacré au rock français, Vincent Ostria, en quelques lignes démystificatrices, avait déjà abordé sa jeunesse parisienne en compagnie des futurs Stinky Toys – au temps de l’explosion punk, donc. Cet article-chronique de vie méritait amplement un développement sur la longue durée, tant Ostria, plus Peckinpah que John Ford, bousculait les fausses légendes afin d’y imprimer un compte rendu fatalement déceptif.
Paris Punkabilly 76-80 est ainsi un voyage très cinématographique, souvent bressonien, dans ce qu’était réellement le soi-disant mode de vie punk adopté par ses plus glorieux étendards français (Denis Quilliard dit « Jacno », Elli Medeiros, Edwige, Alain « Mister Picassiétos » Pacadis que l’on croise lors d’un chapitre consacré au fameux voyage en TEE servant de promotion au nouvel album de Kraftwerk, Trans Europ Express…). Hyperréalisme qui casse les clichés : nos supposés punks passent leurs journées à écouter du rockabilly, ils ne se droguent pas et carburent au thé (séquence scandaleuse !), mais surtout ne sont guère dupes de la mascarade orchestrée par les promoteurs du mouvement.
La beauté de cet ouvrage, outre le fait qu’il soit bien plus punk que de nombreux autres écrits volontairement provocs consacrés à l’époque, réside dans son style épuré, distant, limite suspicieux. Ostria n’a certes jamais été le genre de critiques à se la jouer, et c’est pourquoi Paris Punkabilly, dans ses courts chapitres-vignettes, suscite chez le lecteur une forme d’émotion très précise : le minimalisme revendiqué donne une importance capitale aux détails infimes (une rencontre à la terrasse d’un café, une séance de shooting dans un HLM, le rasoir d’un teddy boy). En fait, chaque chapitre pourrait s’achever par trois points de suspension : Ostria refuse l’événementiel pour lui préférer l’anecdote – sans doute car toute jeunesse, qu’elle se déroule en 76, 86, 96 comme en 2021, ne se nourrit que du furtif, d’une somme de petits riens conduisant pourtant à un grand tout.
L’adjectif « déceptif » (qui n’est pas péjoratif) semble ainsi parfaitement adapté au regard que propose l’auteur sur les années 76-80 : comme dans L’Argent de Robert Bresson (décidément le cinéaste auquel on pense le plus en lisant les courtes séquences d’Ostria), Paris Punkabilly aligne des rencontres, des discussions, des instantanés que l’on pourrait considérés comme étant dépourvus d’enjeux véritables, mais l’impression globale, une fois le livre refermé, est celle d’une topographie – du scintillement d’une époque finalement insouciante, dans ce cas présent.
Après, ce genre d’histoire, ça fonctionne aussi sur le ressenti. Un autre type de personnalité plus enthousiaste raconterait probablement une autre histoire et il aurait aussi raison.
Pas faux : c’est vrai que le caractère et la personnalité jouent dans l’état des faits, leur récit. Ça donne sacrément envie de lire cet état des lieux kaléidoscopique de cette scène punk.
Moi qui était un poil trop jeune sur la période et qui n’ait connu que l’écume de cette vague punk (sans même que ce soit mon goût), j’avoue que ça me tente aussi. Il faut dire que Elli est tellement à tomber à se tortiller dans cette robe trop serrée qu’on est prêt à lire n’importe quoi sur elle.