We Hate You Please Die / Can’t Wait to Be Fine
[Kids are Lo-fi Records]

9.2 Note de l'auteur
9.2

We Hate You Please Die - Can't Wait to Be FineOn n’avait pas ressenti autant d’excitation devant un album de blancs-becs depuis les débuts de Nathan Williams et de ses Wavves, il y a deux décennies. Est-ce qu’on avait sous-estimé le phénomène à la sortie de leur premier album Kids Are Lo-fi ou est-ce que celui-ci présente des caractéristiques qui le rendent bien supérieur au premier ? Il sera toujours temps de vérifier ça. En attendant We Hate You Please Die, le groupe originaire de Rouen qui doit son nom à Scott Pilgrim (le film), signe avec ce Can’t Wait To Be Fine, ce qui est sûrement le meilleur album de garage rock de l’année. On pourra arguer que le genre depuis la chute de la maison Wavves et les hésitations coupables de Cloud Nothings a perdu de sa superbe, il n’en reste pas moins que secouer son monde avec un mélange de garage rock, de pop électrisée et de punk rock, ultravitaminé, intelligent et aussi emballant est une performance.

 On a toujours tendance à prendre l’exercice pour ce qu’il n’est pas : un simple concours de vitalité, d’enthousiasme ou d’empressement. Can’t Wait To Be Fine, avec sa diversité d’approche, sa production profuse et millimétrée, est beaucoup plus que ça, un vrai roller coaster rythmique, une balade stupéfiante et française qui plus est dans un genre qui, par définition, en contient dix ou douze mais aussi (et tout de même) un formidable exemple de colère et de fougue bien placée. L’album a tout pour lui : du hardcore brutal, dur et méchant par séquences (le début d’Exhausted+ ADHD prend à la gorge), des rebonds/ressauts inattendus, de la vitesse supersonique et une dimension pop et mélodique qui cloue sur place. Le titre d’ouverture permet de se faire une bonne idée de la virtuosité du groupe : cela sonne comme une mine d’or indépendante avec tout ce qu’on aime, de l’engagement, du garage punk incendiaire et délivré avec une spontanéité jouissive. Au fil des titres, le plaisir ne faiblit quasiment jamais. Le groupe se prend parfois pour Rage Against The Machine mais cela ne dure jamais très longtemps. On retrouve toujours, ce qui constitue le véritable miracle du disque, une dimension joueuse, pop et sautillante qui emprunte sa vitalité à la pop japonaise, référencée ici sans qu’on en maîtrise tous les codes. Barney est une tuerie, Epiphany et Vanishing Patience encore meilleurs. C’est canaille, brillant et surtout assis sur une variété dans l’approche qui est tout bonnement époustouflante. Vanishing Patience démarre doucement, s’excite et rebondit trois ou quatre fois, changeant de tempo, de rythmique et de ton. Le chant lui-même se transforme depuis un quasi spoken word reedien, jusqu’à une narration pop, en passant par des éructations plus hardcore. En moins de quatre minutes, on a l’impression de dérouler pas moins de trois ou quatre morceaux différents et surtout de ne jamais connaître la moindre sensation d’ennui. Même lorsque le groupe livre une chanson aussi prévisible que Coca Collapse, on peut trouver suffisamment d’intérêt pour s’exciter et s’enthousiasmer.

DSM VI est un tube instantané, joueur et qui renvoie à d’antiques succès brit pop, jusqu’au moment où le titre se sépare en deux et s’offre une séquence intermédiaire qui ressemble à du Sonic Youth chanté par Anne Clark. Le résultat est saisissant, bouleversant à bien des égards et d’une force invraisemblable. La prévalence des voix « féminines » sur la seconde partie de l’album vient amener une teinte différente au disque, emmenant l’album dans des territoires où l’on peut retrouver les Breeders, Lush ou des groupes de surf rock féminin. Otterlove, single choisi par le groupe pour représenter le disque, est une merveille, portée par une section rythmique remarquable et un chant impeccable. On retrouve cette formule en mode riot girrl sur l’efficace Exorcise tandis que We Hate You Please Die s’offre une belle respiration sur le délicat et presque sentimental Terminal. A côté de l’ultra-excité Luggage, le morceau témoigne une fois encore de la science du tempo du groupe qui sait à merveille faire rebondir l’intérêt de titre en titre.

L’ensemble est de haute volée, innovant, inspiré et ultra-séduisant, intelligent, racé, puissant, charmeur et violent comme une série d’uppercuts au foie. On ne manque pas d’adjectifs pour décrire cette incroyable réussite et ce coup de force. Il faut se précipiter sur ce disque.

Tracklist
01. Exhausted + ADHD
02. Barney
03. Epiphany
04. Vanishing Patience
05. Coca Collapse
06. DSM VI
07. Paula
08. Otterlove
09. Luggage
10. Terminal
11. Exorcise
12. Can’t Wait To Be Fine
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