U2 / Songs of Experience [Interscope Records]

3.5 Note de l'auteur
3.5

U2 - Songs of ExperienceÀ quoi voit-on que les fêtes de Noël approchent ? U2 sort un nouveau disque ! C’est en priorité ce qui dérange, depuis toujours, chez les Dublinois : ce groupe veut vendre et conserver sa position de mammouth rock’n’roll. Certes, bien idiot serait le chanteur souhaitant végéter dans l’anonymat, mais les méthodes commerciales de U2 marchent aux gros sabots. Plus c’est lourd, plus les ventes seront meilleures.

Cette insistance à chercher la popularité oblige le groupe aux pires renoncements, au rebrousse-poil opportuniste. Aventureux dans les années 90 (époque Achtung Baby et Zooropa), puis s’évinçant au profit d’un passionnant collectif dont le cerveau se nommait Brian Eno (The Passengers), U2, avec la dance de Pop, sentit la frayeur lui monter au nez : moyennement reçu par la critique et (surtout) par le public, l’album fut très vite renié par Bono. Depuis, U2 avance pépère : retour aux sonorités basiques de Joshua Tree, refus catégorique de la moindre remise en question, application mécanique d’un style héroïque (et très pompeux) – les drapeaux en moins, déjà ça de gagner.

Sauf que U2 n’a plus vraiment d’inspiration. Au lieu de jeter l’éponge (à la R.E.M.), Bonzo s’accroche, persiste, y croit encore. Résultat : depuis Pop, toutes les chansons de U2 ressemblent à des Faces B de derrière les fagots, à des tubes foireux dont plus personne ne veut (qui, en 2017, croit encore en la sincérité de ce paléolithique ?).

Après la purge Songs of Innocence (l’album que personne ne voulait mais que tout le monde s’est malencontreusement fadé), on écoute Songs of Experience comme on irait boire un coup au PMU : mécaniquement, par habitude, sans envie ni passion. Surprise : si l’album comporte évidemment son lot de ragotons m’as-tu-vu, d’emphases musculeuses et de refrains pavarottiens, il échappe également (de façon intermittente) à la routine U2. Pour la première fois depuis Zooropa, un peu de vie alimente ce cyborg bon pour la casse.

Premier constat : Bono chante humblement. Est-ce son accident de vélo ? La crise de la cinquantaine ? Le bide de l’affaire Apple ? Qu’importe : fragilisée, inquiète, cette voix ne converse dorénavant plus avec Dieu mais avec le commun des mortels (vous, moi, ma boulangère). Bono redescend de son trip catholique et parle un langage courant. Bien sûr : tout y est ici explicite, bien trop, et il est toujours difficile, dans le cas Bonux, de faire la part des choses entre sincérité et calculs stratégiques. Mais accordons à Bonobo le bénéfice du doute.

Logiquement, conscients que leur mentor s’y exprime de façon vachement personnelle je te dis pas, les trois autres larrons la mettent en sourdine (The Edge est souvent acoustique). Ce qui n’empêche guère la misère artistique de nombreux titres (U2 se bat avec l’inspiration, jusqu’à en suer pour réussir un refrain potable). Mais, chose rare dans le cas d’un album de U2, trois titres retiennent l’attention (oui, trois !) : The Showman (Little More Better) et ses accents 60’s, l’assez suave Landlady, et surtout le plutôt chouette Red Flag Day (qui puise certes dans Boy et War mais devrait permettre à U2 de décrocher son seul hit justifié depuis One – là où le premier single, The Blackout, souffre d’aérophagie).

Ceci étant écrit, on parle de U2, hein ! Pas de Luke Haines ou de Felt (pour citer deux marottes de ce webzine). Le sous-sol du rock, c’est quand même ici.

U2 – American Soul

U2 – The Blackout

Tracklist
Side 1:
1) Love Is All We Have Left
2) Lights Of Home
3) You’re The Best Thing About Me
4) Get Out Of Your Own Way
5) American Soul

Side 2:
1) Summer Of Love
2) Red Flag Day
3) The Showman (Little More Better)
4) The Little Things That Give You Away

Side 3:
1) Landlady
2) The Blackout
3) Love Is Bigger Than Anything In Its Way
4) 13 (There Is A Light)

Side 4 (bonus tracks):
1) Ordinary Love (Extraordinary Mix)
2) Book Of Your Heart
3) Lights Of Home (St Peter’s String Version)

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