Les pouvoirs d’Al Tarba sont tels qu’il lui suffit de quatre minutes et quelques pour installer un univers, vous y téléporter et vous en faire faire le tour du propriétaire. Comme le Toulousain est généreux, il nous emmène avec son nouveau single de l’été She Makes Me Feel en tournée psychédélique et world dans un désert américain hanté par de vieux indiens, des hippies défoncés et des rednecks dégénérés prêt à mourir le banjo à la main. Il y a des lézards lubriques cachés sous les pierres et des morceaux de conquête de l’espace qui ont été accrochés aux étoiles. Autant dire que c’est aussi cool quand on n’a pas prévu de partir en vacances qu’une journée à la mer avec le Secours Populaire.
She Makes Me Feel ressemble à une chute de studio allumée des Happy Mondays à la Barbade, à un morceau de dancehall effondré au petit matin, à une scène du director’s cut de Blueberry version Jan Kounen ou plus près de nous à un morceau additionnel venu de son pétillant Bad Acids and Malicious Hippies de l’an dernier. She Makes Me Feel est l’œuvre d’un beatmaker en mode vacances mais qui ne laisse rien au hasard. Le mélange des genres entre chœurs amérindiens, guitares psyché, drum n bass clandestine et petit hook à la Tarantino est particulièrement soigné et réussi. Le single ne vise pas à déchaîner le dancefloor ou à enflammer les campings mais à provoquer une errance mentale et un décollage psychocognitif qui donnerait des frissons érotiques à Jean-Michel Blanquer et des sueurs froides à tous les bacheliers de France.
L’iconographie est elle-même une réussite, évoquant brillamment et en couleurs, la vision que peuvent avoir de l’Amérique des rêveurs patentés de notre génération. De vieux cow-boys, une squaw romantique et songeuse des années 30, un cosmonaute et du sable rouge. Al’Tarba est tout aussi extraterrestre que sa musique. Qui s’en soucie ? Le gouvernement ferait bien de réagir. Ce sont des types pareils qui donnent envie aux jeunes de foutre la pagaille, de formuler des rêves plus grands qu’eux et de refuser d’aller au champ.