Beach Youth / Postcard
[Music From The Masses / Shelflife / WeWant2Wecord]

8.5 Note de l'auteur
8.5

Beach Youth - PostcardIl est de ces voyages immobiles qui vous font la journée. Ainsi, assis devant l’écran de l’ordinateur, la célèbre maison de Palo Alto et son application Terre transportent le geek féru de paysages, de cartographie et de voyages lointains aux recoins du monde dans un étonnant voyage numérique fascinant. Une façon comme une autre de passer les journées confinées du printemps 2020 pour Adrien Melchior, responsable de tout l’univers visuel de Postcard, le premier album tant attendu de Beach Youth qui sort sous la forme d’une super-production américano-breto-normande, portée par les brestois de Music From The Masses, les caennais de WeWant2Wecord et le maitre-étalon US Shelflife, dorénavant installé à Portand, Oregon. Entre pochette et vidéo, de parcs d’attractions en boulevards suburbains, il se dégage de cette Californie pixelisée, colorisée, saturée à la manière de ces vieilles cartes postales d’antan une grande poésie visuelle empreinte à la fois de classicisme et de modernité, sans doute quelque part à l’image de la musique des normands. Pourtant, cette fois, ça n’est pas sur les plages de Venice comme les titres de leur premier EP, Singles en 2017 que Postcard a été enregistré mais en pleine canicule dans une maison de famille au cœur de la Creuse, sans trop de contraintes, histoire de pouvoir arrêter le temps.

Si le nom du groupe (deux mots surutilisés en la matière mais étonnamment pour la première fois associés) et son attrait pour les plages, qu’elles soient normandes ou californiennes auraient tendance à l’affilier aux frères Wilson, force est de constater que leur pop a de surf plutôt l’esprit que le son garage 60’s et qu’au vu d’influences qui perlent encore d’ici de là, c’est surtout vers la pop anglaise qu’il convient de se tourner pour cerner l’univers dans lequel Postcard nous entraine. On pensera aux Smiths ou plus certainement à Felt (voire Denim sur Out Of Control) et on n’omettra pas de convoquer également les élégants Moose (notamment sur le très beau Farewell chaloupé). Si la comparaison est flatteuse, le quatuor est très loin de l’usurper car ce sens mélodique dont il a toujours fait preuve depuis ses débuts en 2015 est aujourd’hui encore plus marqué. C’est qu’au risque de rendre l’album de ce strict point de vue un peu bancal, la face A s’avère juste magique, succession de plusieurs véritables bijoux, de ces pop songs parfaitement ciselées, celles que certains passent des années, une carrière à chercher. De la formidable ouverture en deux temps de Love Yourself au single Two Bedrooms qui commence tranquillement et explose en bouche en quelques coups de tonnerre, Postcard démarre comme dans un rêve où la quête de la perfect-pop-song serait sur le point d’aboutir et, n’allons pas quatre chemins, A Changed Man est de ces chansons qui marquent une vie : un texte touchant et très juste, une jolie montée qui finit par gentiment gronder, juste ce qu’il faut et surtout un refrain irradiant à tomber par terre, impeccable d’élégance romantique, ce moment précis précédant un premier tendre baiser, quand on se dit que ça serait chouette si c’était pour la vie.

Comme chez leurs illustres ainés, c’est sur la complicité du duo de guitaristes-vocalistes, Étienne Froidure et Simon Dumottier, que semble reposer une bonne partie de l’âme du groupe : voix et guitares dialoguent et divaguent au gré des balades en bord de mer, s’envolent au vent comme des cerfs-volants, glissent avec aisance et légèreté comme des chars à voile sur les plages interminables du Bessin ou partent en cavalcade tel des purs-sangs s’entrainant sur l’estran en pays d’Auge. Ici, on profite à volonté du grand air et du soleil et si tristesse ou mélancolie pointent le bout de leur nez au gré de ces histoires d’amour où les filles mettent la tête à l’envers des garçons, elles se retrouvent vite balayées ici par une suite d’arpèges faite dans le cristal le plus pur qui s’élève dans le ciel azur, là dans une chevauchée endiablée (In My Chest). Si de l’ambiance surf ne subsiste finalement pas grand’ chose, les chansons de Beach Youth nous font quand même voyager vers ces grandes destinations rêvées que sont la Californie ou l’Australie. Sur Say Something, c’est au couchant, face au Pacifique autour d’un feu de camp sur la plage que l’on jurerait retrouver Rivers Cuomo et sa bande de Weezer pour le seul morceau acoustique et un peu calme du disque tandis qu’en conclusion, Back Home nous entraine au contraire à l’autre bout du monde, au pays des Cool Sounds et de tous ces groupes merveilleux dont la musique climatise par sa fraicheur la pire des canicules.

Si le passage de EPs prometteurs à un premier album abouti n’est jamais chose facile, les normands s’en sortent admirablement grâce en particulier à une confiance sans faille dans leur capacité à écrire de magnifiques chansons pop qui forment un album d’une belle cohérence, à la fois mélodiquement direct et catchy, mais à la production néanmoins soignée avec des arrangements nuancés et subtils. Avec Postcard, Beach Youth ne se contente pas d’un petit mot griffonné pendant les vacances mais écrit bel et bien le premier chapitre d’une aventure que l’introduction annonçait déjà passionnante. Des histoires de plages, tout comme des plages chargées d’histoire, ça n’est pourtant pas ce qui manque sur le littoral du Calvados mais il y en avait peut-être une dont les caennais rêvaient en secret. Elle existe à présent : bienvenue à California Beach.

Tracklist
01. Love Yourself I
02. Love Yourself II
03. Two Bedrooms
04. Farewell
05. A Changed Man
06. Upside Down
07. In My Chest
08. Around Me
09. Out Of Control
10. Say Something
11. Back Home
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