Comme on s’est tour à tour entiché ces derniers mois de Death And Vanilla, Amber Arcades, Jane Weaver, ou encore Hater, il tombe sous le sens que Lake Ruth titille aussi nos oreilles, tant le groupe new-yorkais oeuvre dans le même crédo que les précitées. Autrement dit, rien de nouveau à l’horizon, pas même le moindre mirage : la formule est éculée. Mais peu importe. Ce croisement entre le Broadcast du début des années 2000 et la pop-anorak de la décennie précédente, incarnée par The Field Mice et défendu par Sarah Records en particulier, est une irrésistible madeleine de Proust.
Et puis, comme Actual Entity, leur premier album paru en 2016, a semble-t-il rencontré un petit succès dans le microcosme de la Grosse Pomme, Lake Ruth a pu se permettre de faire appel du producteur Geoff Sanoff (un CV long comme le bras avec quelques mastodontes au tableau de chasse et un Grammy Awards en poche) pour l’enregistrement de Birds Of America. Ça aide pour donner un lustre contemporain à ces compositions au charme suranné.
Le groupe maîtrise de toute façon son sujet, car il ne s’agit pas des perdreaux de l’année, puisque on a déjà croisé Hewson Chen au sein de The New Lines, tandis que le batteur Matt Schulz a joué avec Holy Fuck, Enon, SAVAK. La moins connue, finalement, c’est Allison Brice (ses précédents projets sont passés sous les radars : The Eighteenth Day of May et The Silver Abduction), mais c’est quand même elle qui illumine l’album de sa voix délicate.
Portées par une rythmique véloce et enivrante, les chansons s’échappent à l’apesanteur sur la longueur au fil de la répétition des mélopées vocales célestes, malgré de réguliers roulements de batterie. Entre pop 60’s, psychédélisme, compositions à la Morricone et krautock, le groupe croise les influences et références avec aisance. Le tout est diablement incarné par la chanteuse anglaise qui tient les musiciens en respect. Même s’il y a incontestablement une certaine puissance de feu, comme l’atteste le tendu White Wall ou la frénésie de Westway, jamais Lake Ruth ne se cabre, tout est ici affaire de progression, de glissement, d’élévation jusqu’à l’hypnose, la transe. Si dans cette veine, on pense à Stereolab plus d’une fois, Radiant City pourrait être une chanson de The Sea And Cake chantée par Sarah Cracknell (Saint Etienne). La classe et le charme.
Sortie le 16 février 2018 chez Feral Child Recordings.