Le bonheur hédoniste, limite adolescent, que procure ce premier album de Breaking The Wave tient en une chose rare : il condense, en dix titres, notre best of musical des quarante dernières années. Car entre Cédric Baud (alias Joseph Mars) et Matthieu Malon, le plaisir supplante la réflexion, la composition joviale ne laisse aucune place à la distanciation théorique. Sans aucun recul, donc libre de tout expérimenter, de pleinement s’éclater entre amis (et cela s’entend, et cela contamine l’auditeur).
Dead Killer Story, même s’il formule un concept (l’histoire finalement tragique d’un renégat, sans doute artiste, nommé Anton), n’en fait qu’à sa tête, refuse la ligne claire et le cloisonnement. Album pop, rock, rap, électro ? On ne sait pas et on s’en fout tant le résultat s’apparente à ce que nous attendons maintenant d’un disque français adulte : que ce dernier ne s’abrite derrière aucun vouloir bien faire, qu’il place son instinct en étendard, que la pensée vienne ensuite mais par inadvertance. Banalement : qu’il corresponde avec nos vies sans nécessairement chercher à le vouloir.
Face à Breaking The Wave se déploie les ombres de New Order, Blur, Seattle, New York, divers souvenirs funk et pop « tubesque », l’électro impartiale et l’inattendu lyrisme, mais à l’envers, comme si Cédric et Matthieu déchiraient les pages de leurs savoirs pour ensuite les recoller dans un joyeux désordre. Un désordre source d’une grande fraîcheur, un désordre d’érudits soudainement désinvoltes.
Disque punk, quelque part. Qui n’attend rien (100 exemplaires vinyles, aucun CD, pas de lien MP3) car revenant à ce fondamental : qu’importe l’effondrement de l’industrie musicale du moment que les groupes, les artistes, s’amusent toujours à composer de bons morceaux, à la cool, crachant sur les institutions faussement officielles, n’attendant aucun mérite sinon le fait d’avoir réellement touché le cœur d’un panel d’auditeurs. De ce point de vue, Dead Killer Story est l’une des grandes réussites de l’année.