On a beau avoir essayé de se rattraper, on s’en veut toujours un peu d’avoir loupé l’occasion de vous parler du formidable cinquième album de Soleá Morente, Aurora Y Enrique, sorti il y a deux ans et demi. Il faut dire que sur le coup, on n’avait pas tellement prêté attention (toujours ces satanées chapelles…) à cette chanteuse de flamenco qui avait rejoint le label Elefant un an plus tôt et il avait fallu un drôle de concours de circonstances pour se rendre compte un peu par hasard de la qualité d’un disque éminemment surprenant. Soleá est la fille d’Enrique Morente, musicien flamenco longtemps décrié pour son appétit d’innovation musicale dans un univers ultra conservateur et depuis (sa mort en 2010) plus que réhabilité, élevé au rang du plus influant des chanteurs modernes. Après des débuts assez classiques, elle poursuit dorénavant cette œuvre de modernisation d’un flamenco qui s’accorde sans peine avec les canons d’une pop espagnole elle-même largement influencées par les grandes heures de la new wave rock et synthétique.
Mi Vida Es Para Mi est déjà le troisième extrait du nouvel album de la madrilène qui, cette fois, ne nous aura pas par surprise lorsqu’il sortira plus tard dans l’année. Il sera marqué du sceau d’une collaboration essentielle avec celui qui est sans conteste le porte-drapeau du label Elefant, à la fois figure de proue, membre influent et musicien le plus bankable du catalogue, Guille Milkyway, plus connu sous le nom de La Casa Azul. Si Vamos A Olvidar nous entrainait dans des ambiances cumbia et rumba, pimentant d’épices sud-américaines ce flamenco moderne, le second extrait, Gitana Maria était une bombinette d’europop synthétique typique de l’univers dansant et coloré de La Casa Azul. Nul doute alors à l’écoute d’un troisième extrait lui encore radicalement différent que ce nouvel album, fruit de cette collaboration prometteuse, sera une explosion de sons à la fois modernes et traditionnels, de couleurs vives et d’émotions fortes.
On y découvre donc une Soleá Morente plus fragile que jamais, ouvrant son cœur sans la moindre hésitation, évoquant ses failles et les fausses bonnes idées pour tenter de les combler. Malgré son magnifique hommage à ses parents sur Aurora Y Enrique, album de deuil et de vie à poursuivre malgré tout, Soleá Morente ne semble pas en avoir terminé avec ses souvenirs mais cherche néanmoins à se projeter dans une vie qui n’appartient qu’à elle. Sensuelle comme jamais dans son pas de deux avec une lame de Tolède dans la vidéo face caméra signée Pablo Hoyos, Soleá Morente nous entraine dans un titre nébuleux dont la mélancolie introspective ne va pas sans rappeler les belles heures passées en compagnie de Beach House ou de Tame Impala. Rendez-vous d’ici quelques semaines pour découvrir un des albums les plus attendus cette année de l’autre côté des Pyrénées.