Festival Musical Écran 2021 : Bordeaux, Capitale de l’image rockumentaire (Talk Talk, Dinosaur Jr, etc)

Festival Musical Écran #7

Du 5 au 12 septembre, Bordeaux accueille la 7ème édition du Festival Musical Écran, le meilleur rendez-vous du documentaire musical du pays et un vrai événement cette année, compte tenu de l’extrême qualité de la programmation. Si on n’a pas été payés (comme d’habitude) pour faire la retape pour l’événement, on n’en a pas moins profité de notre position pour se faire envoyer en avant-première bon nombre des films et documentaires qui seront projetés durant cette semaine où la musique indépendante, rock, techno, « du monde », va être fêtée et honorée dans tous les sens et sous toutes les latitudes.

In a Silent Way - Talk TalkIn A Silent Way : film énigme sur le Talk Talk de Spirit of Eden 

En vedette, et proche de nos réflexions habituelles, on a retenu évidemment deux documentaires majeurs. Le premier, le très attendu In A Silent Way de Gwenaël Breës, s’évertue en une petite heure et demie à retracer le parcours mystérieux de Talk Talk et Mark Hollis au moment de la sortie de leur chef-d’œuvre Spirit of Eden. Le début du film est assez perturbant dans la mesure où le réalisateur donne à voir et à lire toutes les entraves qu’Hollis a mis entre le film et son réalisateur : interdiction d’utiliser la moindre note du disque et des musiques du groupe, refus de répondre à quoi que ce soit sur le disque ou la musique, afin de préserver « l’autonomie des œuvres ». Il a fallu un vrai courage au réalisateur pour mener son projet à bien et interroger, en même temps que la musique par contumace, le mystère qui a amené un groupe ultra populaire dans les années 80 à passer publiquement et artistiquement dans la clandestinité. On ne dévoilera pas comment Breës s’en sort au final mais In A Silent Way vaut le déplacement jusqu’à Bordeaux pour lui tout seul et s’avère un film d’une intelligence et d’une finesse qui fait directement écho à la présence/absence du génie de Talk Talk. A tout point de vue, c’est une réussite exemplaire… même si évidemment ce documentaire qui ressemble à d’autres évocations héroïques qu’on a pu voir de fantômes célèbres (sur Salinger notamment) aurait gagné à pouvoir s’abreuver à la source dont il est issu. L’image est magnifique, les rencontres sublimes et la réalisation pleine de ressort.

Freakscene: The Story of Dinosaur JrFreakscene : l’indépassable histoire du Dinosaur Jr 

On a ensuite porté notre intérêt sur le non moins incroyable documentaire sur l’histoire du Dinosaur Jr racontée par le réalisateur allemand, Philipp Reichenheim. Sur un cahier des charges contraire (la pleine collaboration du groupe en son entier), Freakscene (quel autre titre choisir) revient sur une durée équivalente (80 minutes) sur l’histoire de l’un des plus grands groupes américains des années 90 et inventeur (contesté) du mouvement grunge avant le mouvement grunge. De facture plus classique (interviews, images d’archives), le documentaire n’en est pas moins spectaculairement instructif. On suit les débuts du groupe au milieu des années 80 à travers des archives inédites (ou du moins qu’on avait jamais vues) en même temps qu’on plonge peu à peu dans la profondeur et la puissance de la vision esthétique développée par Jay Mascis. C’est la force d’engagement du guitariste et chanteur qui émerge en premier de ce documentaire, sa conviction, et son intelligence, sa capacité à fédérer autour de lui des musiciens qui viendront plus tard à développer leur propre voix/voie (Lou Barlow). Le film est très bien fait, instructif et permet (aux plus jeunes et aux anciens) de resituer l’histoire du groupe dans toute sa démesure, son esprit pionnier et sa folie.

Max Richter’s SleepOn ne va pas passer en revue le programme film par film mais il y a évidemment beaucoup de choses pendant cette semaine de festivités qui sera conclue par l’attribution d’un prix et surtout par un film tout aussi important en avant-première sur le compositeur Max Richter. Intitulé Max Richter’s Sleep, le film de Natalie Johns est Anglais et reviendra sur la production remarquable du musicien allemand et notamment son projet Sleep, durant lequel il développa (c’était en 2018) une composition électro-acoustique inédite destinée à des spectateurs allongés pendant huit heures sur des lits de camp. Johns revient sur la genèse et le sens de cette œuvre épique. On peut la trouver aujourd’hui chez Deutsche Grammophon dans un coffret de 8 CDs et c’est probablement l’une des pièces les plus intelligentes, révolutionnaires et apaisantes des dix ou vingt dernières années de musique contemporaine.

On citera encore pêle-mêle des choses sur IDLES, sur Laurent Garnier, l’histoire de la Drum n Bass ou du Rap Marseillais ou encore (en compétition) l’important Soul Kids qui revient sur l’histoire de la musique à Memphis. Ceux qui ont lu l’indispensable livre de Tav Falco sur le sujet (il n’est pas traduit et on doit être deux ou trois en France), y retrouveront à travers l’histoire de la Stax Music Academy, l’incroyable aventure du label qui (on s’en souvient peu) avait aussi passé une alliance de circonstances avec les magiciens d’Ardent Records du trottoir d’à côté (maison de disques de Big Star). On n’a pas vu The Rumba Kings qui évoque le métissage musical entre l’Afrique et les Caraïbes à travers un voyage entre histoire coloniale et époque contemporaine.

Le festival (immanquable donc) propose des séances gratuites, des séances payantes, de cinéma (cela se passe à l’Utopia et on vous renvoie au programme officiel pour tout ça), des mini-concerts et DJ Set (Cour Mably, pour ceux qui connaissent) ainsi que deux expositions. On a mis une petite épingle sur le DJ set du samedi 11 septembre (Bordelle Pride Party) avec notre écrivaine chouchou Anne Pauly et des drag queens en grande tenue.

On s’en tient là pour notre publi-reportage passionné. Vous avez compris où il fallait passer ces soirées la semaine prochaine. Quitte à avoir le pass sanitaire, autant s’en servir.

Crédit photo : Max Richter’s Sleep par Rahi Rezvani.

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