Même si la notoriété n’est pas gage de qualité (ce serait si simple), il n’empêche, il faut saluer le tour de force réalisé par Gogo Penguin car le groupe de Manchester jouit d’une cote de popularité sans égale dans son genre. Quel trio instrumental piano / contrebasse / batterie peut se targuer de remplir les salles de concerts, d’affoler les médias et de réunir amateurs de jazz et (post-)rock ou encore de faire une musique entièrement acoustique qui ravira les fans d’électro ? En huit ans et cinq albums, le groupe est passé du groupe rangé dans la case expérimental / néo-classique pour le compte de Gondwana Records au statut de tête de file appuyé par le mythique label Blue Note (désormais filiale du groupe Capitol). Leurs anciens compagnons d’écurie Portico Quartet doivent rêver d’un tel destin. Il est toujours difficile de comprendre – et de surcroît d’accepter – pourquoi les uns sont poussés sous les spotlights, quand les autres restent toujours un peu dans l’ombre. Mais plutôt que de s’affliger de ces incohérences, saluons cette évidence : Gogo Penguin transcende l’exercice de style. Et cette alchimie reste un mystère.
Probablement perçoit-on instinctivement que le trio a baigné dans la culture pop, jouant collectif et privilégiant la mélodie à la virtuosité. Des qualités que l’on a plus de chance de croiser en matière de power-pop que de jazz. De fait, on se laisse embarquer sans préter même garde que la formule pourrait être âpre : un piano à la place du led guitar / voix, une contrebasse en lieu et place d’une basse électrique, une batterie qui fait bien plus que de marquer le rythme. Ailleurs ça pourrait donner du free-jazz, là, Gogo Penguin parvient à structurer des mélodies répétitives et entêtantes, tout en jouissant d’une folle liberté. Chris Illingworth (piano), Rob Turner (batterie) et Nick Blacka (basse) expliquent d’ailleurs qu’ils ont commencé à bâtir ces compositions avec l’aide d’instruments électroniques avant de les réinventer avec leurs instruments pour pouvoir les rejouer en live et s’affranchir des contraintes. Ok, certes, la réussite de l’album tient aussi beaucoup à un remarquable travail de production incroyable – à fort volume on a l’impression que le groupe joue devant nous. F Maj Pixie est ainsi capable de s’élever sur un rythme échevelé puis de resté suspendu en apesanteur, selon une structure typiquement techno. A l’inverse, Totem est construit comme un brûlot rock : c’est physique, sans concession. On a l’impression de se faire haranguer par le piano alors que la section rythmique nous plaque au mur. Plus loin, l’ambiance se fait mélancolique et les filiations qui viennent en tête sont issues de la scène post-rock (remplacer le piano par une guitare électrique et To The Nth n’aurait pas dépareillé sur un album d’Immense ou Fonn) ou bien ambiant (le conclusif Don’t Go renvoie aux travaux méditatifs de Biosphere ou Pan American). Et s’il ne s’agit que de balises tout personnelles que chacun adaptera en fonction de sa propre culture et influences, c’est que GoGo Penguin laisse une large place pour s’y projeter et s’approprier ces compositions.
02 – Atomised
03 – Signal In The Noise
04 – Open
05 – F Maj Pixie
06 – Kora
07 – Totem
08 – Embers
09 – To The Nth
10 – Don’t Go