Hugues Blineau / Le Jour où les Beatles se sont séparés
[Médiapop Editions]

7.1 Note de l'auteur
7.1

Hugues Blineau - Le Jour où les Beatles se sont séparésC’était le 10 avril 1970 : le jour de la séparation des Beatles. Plus grand monde ne se souvient de la date exacte aujourd’hui mais, à l’époque, l’événement avait évidemment produit son effet. C’est sur cette annonce, pas vraiment surprenante pour qui suivait la carrière du plus grand groupe de l’histoire du rock en ces temps-là, que revient avec beaucoup de subtilité et de tact Hugues Blineau, auteur passionné, chroniqueur chez PopNews et professeur d’arts plastiques nantais.

Par-delà le travail soigné qu’il produit sur les faits, pas si compliqué à faire on imagine, tant la chose a été documentée depuis 50 ans, Le Jour où Les Beatles se sont séparés vaut surtout pour l’émotion qu’il réussit à véhiculer autour d’une séparation rendue inévitable mais qui n’arrange pas grand monde. Le livre est dominé par les récits que l’auteur consacre au quotidien des quatre membres du groupe autour de l’événement. Ringo fait comme d’habitude et vient errer, comme si de rien n’était, dans les bureaux d’Apple, signant quelques papiers et se frottant avec crainte à la gêne ambiante et aux regards interrogateurs. Que restera-t-il de lui après ça ? Où est sa place véritable ? A-t-il eu de la chance ? Lennon, qui est peut-être celui qui a le plus souhaité ce moment et qui, officiellement, est celui qui le craint le moins, ressent une forme de trouble indicible mais aussi de rage qui l’aide à formuler un projet personnel de revanche contre McCartney et le monde entier. Blineau n’en rajoute pas dans la description qu’il fait de Yoko et de John, de ce qu’ils sont en train de devenir et ce que le leader créatif du groupe ne veut ou ne peut plus être. George Harrison est le moins bien servi ici. L’homme se concentre sur ce qui suit, persuadé que les chansons que ses comparses lui refusent depuis des années connaîtront un meilleur sort lorsqu’il se lancera en solo. Il y a bien sûr McCartney, placé au centre du jeu cette fois encore, parce qu’il s’est réservé le privilège de l’annonce officielle, quand bien même Lennon avait-il annoncé l’événement aux Beatles et à leur entourage…plus de cinq mois avant.

Hugues Blineau entre dans l’intimité du couple que forment Paul et Linda. Il est clairement de leur côté. Il le fait avec beaucoup de délicatesse pour dessiner un McCartney mélancolique et habité par le vide laissé par l’absence prochaine du groupe. Le final passé en leur compagnie est très beau. On retrouve ce « mystère de l’absence » dans une scène magnifique de composition où Lennon joue de la guitare et se rend compte que McCartney ne sera plus jamais là pour étalonner la qualité de sa composition, l’améliorer ou la défigurer. McCartney a des rêves de campagne qui sont de purs dérivatifs. Il n’y a guère que l’amour qui peut l’abriter un temps de l’effondrement. Le Jour où les Beatles se sont séparés s’accorde également quelques décrochés en coulisses pour tenter de mettre à jour les conséquences de la séparation sur des fans, des anonymes. Ce ne sont pas les pages les plus convaincantes de ce petit livre d’une centaine de pages, mais le contre-champ est imposé par le projet qui choisit vraiment, et avec beaucoup de bonheur, de traiter le sujet comme un drame intime plutôt que comme un événement médiatique ou planétaire. Cette manière de faire nous prive de développements spectaculaires comme de tout développement (et c’est moins heureux) sur la musique elle-même mais nous renvoie vers quelque chose de plus intéressant et que le livre ne peut qu’effleurer : le secret de la musique que ces quatre-là ont fabriquée, les dessous de sa confection et l’alchimie à laquelle elle renvoie.

Il y a eu des milliers de pages écrites là-dessus, disséquant parfois les aléas de composition de tel ou tel titre pendant des heures et des heures. Hugues Blineau, en séparant les protagonistes et en décrivant le groupe au moment où il disparaît, fait remonter à la surface la trace à peine effacée de son existence, ainsi que les mécanismes personnels qui le faisaient tourner et collaborer. C’est dans cette explication en trompe l’œil du quatuor, de ses rouages, de ses habitudes mais aussi des attentions, bienveillantes ou pas, des musiciens les uns pour les autres, son évocation des hiérarchies explicites ou implicites, de la circulation des frustrations ou des récompenses, que le livre est le plus précieux et, paradoxalement, le plus précis alors qu’il n’évoque rien en détail.

Les fans qui s’attendent à trouver des descriptions ultraprécises ou une évaluation de l’œuvre seront déçus. Pour tous les autres, la lecture de ce court roman/récit offrira un refuge à la fois nostalgique et préservé des outrages du temps, intéressant et émouvant. On le recommande avec la même discrétion polie et la tendresse que celles que Blineau a pour son sujet.

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