Kristin Hersh / Possible Dust Clouds
[Fire Records]

7.6 Note de l'auteur
7.6

Kristin Hersh - Possible Dust CloudsAussi bizarre que cela paraisse, Kristin Hersh a aujourd’hui 52 ans. Ce n’est pas jeune pour une adolescente qui aime le grunge. Entre ses travaux avec les Throwing Muses et les excellents 50FOOTWAVE, l’Américaine a sorti une œuvre solo dont Possible Dust Clouds est le 10ème album, autant dire quelque chose de conséquent, de solide et de régulier. Chacun de ces dix albums aura été une précieuse addition au précédent, l’ensemble composant un édifice sensible, féministe et colérique impressionnant de justesse et de pertinence.

On ne dira pas autre chose de Possible Dust Clouds qui a, en plus pour lui, d’être un album supérieur à la somme de ses parties et un excellent résumé de tout ce que cette chanteuse référence de l’indie college US a su formuler depuis son apparition sur la scène publique. Kristin Hersh sait à peu près tout faire avec une guitare et une ligne mélodique et c’est ce qu’elle démontre à nouveau ici. L’album est complexe, peu avenant au premier abord, mais plein d’énergie et de ressort. La voix de Hersh a considérablement évolué depuis ses débuts. Elle a gagné en âpreté et en rudesse, ce qui rend l’entame, LAX, un brin rugueuse. Hersh nous bouscule d’entrée mais rebondit avec ce qui peut s’apparenter à une véritable leçon de composition. La seconde moitié de ce premier titre est une tuerie où guitare et basse se répondent à la perfection, tandis que la voix évoque les harmonies vocales des Breeders ou des Pixies. Le single qui suit, No Shade In Shadow, a la classe absolue. La production est sourde, bruitiste, essayant tant bien que mal de contenir une mélodie qui remonte pourtant à la surface pour transformer le mur de son en une sorte de balade surf rock envoûtante et crépitante. Kristin Hersh sait tout faire. Elle sonne comme sa sœur jumelle Tanya Donelly sur un Half Way Home chanté-craché, avant d’embrayer sur un Foxpoint remarquable et qui lorgne du côté des meilleurs Sonic Youth. Il faut se lever de bonne heure pour entendre un morceau aussi percutant et dérangé.

La voix a tendance à dominer les débats tant son grain caractéristique s’impose à nous pour suggérer l’exaltation et le trouble mental (le « mind blowing » de ce qui tient de refrain) mais les couches de guitare rappellent la détresse et l’ironie d’un texte où une femme souhaite à son amant que sa nouvelle aventure (amoureuse, on le suppose) soit stupéfiante. On s’intéresse généralement assez peu à ce que raconte Hersh et c’est un tort. Chaque titre repose sur l’exposé d’une situation romanesque et intime qui renvoie à la difficulté d’exister seul ou en couple. Lethe a des tours épiques et des allures de balade cinématographique. Loud Mouth ébroue ses guitares dans la plus pure tradition du grunge de lycée et s’avère assez jouissif. C’est de bout en bout du « classic indie » rock, soit un genre archi-connu mais que Hersh décline à la perfection comme si elle faisait des gammes subversives. Entourée par des musiciens solides (dont certains faisaient partie de The Throwing Muses), Hersh évolue ici assez loin de ses premiers albums solo, au cœur d’une vraie bande bruyante et indisciplinée.

Parmi les meilleurs titres de l’album, on mettra en avant la phénoménale puissance suggestive de Loud Mouth, lourd et hargneux comme aucun autre, et l’incroyable Breathe In, sans conteste la chanson qui domine l’album. Il suffit d’écouter ces 3 minutes et 20 secondes de perfection rythmique pour mesurer à quelles hauteurs on évolue ici. Breathe In est une chanson parfaite, menaçante, crépusculaire et délicieusement arythmique. « Breathe in because breathe in is what you do. » C’est exactement ce que cherche à inspirer Hersh : cette idée selon laquelle jouer de la guitare et chanter comme elle le fait sont des états naturels à travers lesquels on s’entend à peine respirer, une seconde nature qu’on peut répéter et retrouver sans même y penser. Ecrire et chanter le rock de cette manière est quelque chose qui relève de l’instinct mais qui n’exclut pas la sophistication et le travail. Lady Godiva qui referme cette collection de dix chansons est un morceau délicat et bluesy qui met en avant la tradition US à l’œuvre ici. Kristin Hersh est devenue, avec les années, une sorte de Patti Smith électrique, aussi inspirée, intransigeante et exigeante, mais avec les cheveux propres.

Tracklist
01. LAX
02. No Shade In Shadow
03. Half Way Home
04. Foxpoint
05. Lethe
06. Loud Mouth
07. Gin
08. Tulum
09. Breathe In
10. Lady Godiva
Écouter Kristin Hersh - Possible Dust Clouds

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