Manuscript : Dave Gahan en pose et en prose avec Kurt Uenala

Kurt Uenala feat. Dave Gahan - ManuscriptComme les réceptions de l’ambassadeur, les aventures extra-scolaires de Dave Gahan sont souvent très réussies. Qu’il travaille en solo, avec les Soulsavers ou d’autres, le chanteur de Depeche Mode ne s’aventure jamais en dehors de son groupe de prédilection sans l’idée de proposer quelque chose de nouveau ou qui ne lui serait pas autorisé par sa franchise.

C’est avec cette envie sans doute et poussé par le compositeur Suisse Kurt Uenala (Null+Void) que Gahan a accepté de livrer à ce producteur et metteur en sons de renom (il a travaillé pour/avec… Depeche Mode, Erasure… mais aussi Yelle, Black Rebel Motorcycle Club ou les Raveonettes) les mystérieux carnets de notes qu’il trimballe depuis des décennies en marge de ses déplacements et qui lui servent à noter ses pensées, ses réflexions, des associations d’idées ou de mots… sans autre idée que de griffonner et de passer le temps. Les carnets de notes de Dave Gahan ne lui servent pas tant de réservoir pour de futures paroles de chansons que de distraction désultoire et de prolongement naturel à son flux de conscience. L’observant depuis quelques années en marge des tournées de Depeche Mode, Uenala a franchi le pas et interrogé le chanteur sur cette manie avant de lui suggérer de lui en confier quelques uns.

C’est autour de ce prêt (d’abord sans intérêt) que Uenala a eu la bonne idée de composer un peu de musique et de demander en retour à Gahan de les lire pour lui. Le résultat donne un EP en 5 titres et un extrait G.O.D, décousus et dans la lignée Beat Generation des collages et montages improvisés, faisant coïncider la voix parlée du chanteur et les arrangements sonores d’un Uelana ambianceur électro. Le résultat est plutôt intéressant et surprenant, à la fois parce qu’on n’a pas du tout l’habitude d’entendre cette voix-là qui n’a rien à voir avec la voix de chanteur de Gahan, et parce que la mise en sons de Uenala est réussie, hypnotique et suggestive.

Uenala compose désormais en Islande et s’est accompagné principalement de synthés qui épousent de près la scansion et les (faibles) intonations d’un Gahan apaisé et appliqué. Les textes parlent de tout et de rien (taxis, attente, impression, température, etc) offrant un cadre plutôt bienveillant et confortable à un auditeur sous le charme léthargique du duo. Émerge ainsi de l’ensemble une forme de spoken word poétique et ambient, grésillant et empli d’images, d’océan, de ville ou de zones d’échange presque fantastiques. Longing est une pièce splendide, pleine de désir et d’amour. Get Out se passe de mots tandis que G.O.D fait un peu penser (en moins bien) aux derniers travaux de Martin Rev de Suicide sur Les Nymphes ou Stigmata.

Le projet est minimaliste mais plutôt généreux dans ses intentions, plein d’élégance et d’audace. D’aucuns diront que cela manque de rythme, de chansons et de peps. Ils n’auront pas tort mais on peut trouver dans ce projet son compte si on aime Depeche Mode et Gahan, et plus généralement les expérimentations qui relèvent de l’art pour l’art.

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