Marc di Malta, comme un Corto Maltese sur une mer de brouillard anti-pop

8 Note de l'auteur
8

Marin au long cours de la nonchalance, entre désabusement et mélancolie, Marc di Malta jouerait-il le Corto Maltese du spoken word anti-pop ?

Certes, parler de chanson française déviante serait une piste, car, mise à part les textes et les choix sémantiques bien pesés, les codes musicaux viennent d’ailleurs.

Difficile aujourd’hui d’émerger, de se différencier et de se créer une identité originale,… surtout quand il s’agit de passer après un Bashung à la fantaisie militaire (« Nous sommes vivants et vous êtes morts ») ou un Dominique A remué, … mais tel le personnage emblématique d’Hugo Pratt, cet homme de Malte laisse planer le doute sur ses intentions tout comme il est flagrant que la liberté est inscrite dans son ADN.
Celui qui place « Le début » à la fin d’un album en cinémascope reste seul maître à bord d’une narration musicale et textuelle qu’il a apprivoisée et bonifiée depuis les premières cartes postales envoyées en 2015.

« Je fais ça tout seul, les textes, la compo, les prises des différents instruments. Ce n’est pas que je n’aime pas travailler avec d’autres, c’est juste que ça s’est présenté à moi comme une urgence de faire, de mettre en musique mes textes. J’ai longtemps travaillé en groupe, au service d’autres, j’ai adoré. Je voulais juste essayer de faire ça pour servir mes propres textes.

Marc di Malta« J’ai enregistré, mixé et masterisé à la maison par moi-même

« Je sais pourtant qu’avoir une oreille extérieure pour ajouter la cerise sur le gâteau aurait été génial. Mais, pas de budget pour ça, et encore faut-il rencontrer cette ou ces personnes disponibles et capables d’emmener l’album plus loin. Il m’est arrivé de travailler sur des disques dans le passé avec un réalisateur, un ingé son, une autre personne pour le master, etc.. c’est bien aussi mais ce peut être encore plus casse-gueule, que tout seul, si l’on ne sait, ou l’on ne peut pas choisir son entourage.

Solitaire, Marc ne l’est donc pas par choix, plus par opportunité. Ses textes, il les met en scène en mode distancié, délicatement patiné au niveau des couleurs comme des ambiances sonores.

« Très souvent, les assemblages de mots minimalistes forment des images. Ces images, comme en poésie, tentent de formuler des impressions, de formuler ce que je ne sais pas dire autrement. C’est assez intimiste, mais pour ce deuxième album, les choses se situent peut-être un peu plus dans un contexte. Parfois un réel, connu, parfois anticipé, inventé. Mais c’est toujours celui qui le traverse qui me fait écrire. La musique, c’est l’ambiance, c’est le décor, la boucle, les vagues, l’endroit où tout va se dérouler. Pour les images, l’idée au départ n’est pas très ambitieuse. Il s’agissait d’habiller les titres pour les poster sur youtube. J’ai toujours essayé de faire se répondre les images avec le texte, essayé de ne pas en faire des illustrations. Souvent les textes des chansons peuvent dire autre-chose accompagné d’images.

Première escale, il y a six ans donc, avec un album moins « Flou » qu’il ne l’affichait, empreint de bouffées d’Air pur et de textes servis sur un parquet délicatement électronique. Six ans plus tard, il repose un pied à quai, hors du temps, avec cette peur affichée d’un éventuel constat, dont il « se fiche pas mal ,… celui d’une obsolescence programmée avant même d’avoir -peut-être- eu la chance d’exister ?

De fait, si Obsolète se présente comme un deuxième album, une grande majorité des titres ont été divulgués sur les trois dernières années. Le semi-EP qu’il avait laissé s’échapper entre deux (en 2019) aurait pu passer à la trappe . Mais non ! Pas complètement -soupir de soulagement- car les titres Soleil coupé et Compartiment 7 sont parmi les plus envoûtants de ce voyage, mais remixés, remasterisés pour conférer la meilleure unité de ton possible avec les titres 5 titres les plus récents, qu’il a mis en queue de train de son disque. Un brin contre-intuitif, mais l’originalité suit souvent une logique qui lui appartient.

« Les 5 derniers datent d’il y a moins d’un an (…) mais c’est vrai que pour nourrir ces bêtes que sont les réseaux, j’ai un peu tout fait à l’envers. Mais en réalité je pense que l’écrasante majorité des gens qui vont lire cet article n’ont jamais entendu ces titres… Mais c’est compliqué, je me suis moi-même fais ces nœuds dans la tête, et je pense que je ne procéderai pas comme ça sur le prochain (…)

« C’est ma foirade (…) J’ai tout fais dans le désordre, ça ne me pose pas de problème… juste tout a été remixé, remastérisé, mis en cohérence pour cette sortie.

Au final, la chronologie de ce type d’actualité importe effectivement peu. Un bon texte, un bon titre, le restent, quelle que soit la date de conception ou de publication. Par contre, il peut y avoir intérêt, si ce n’est urgence, à ne pas rater une bonne occasion de découvrir de belles choses quand elles se présentent à nous, n’est-ce pas ?

Les ambiances enveloppent et baignent l’auditeur dans un chaos tranquille, en lévitation, analogue, persistances audio-rétiniennes simili-Super 8. On retrouve des guitares entre poussières et grand ciel bleu, des rythmiques d’arbres à came aux ambiances chambre des machines flirtant avec un kraut à la psyché brassicacée et quelques fantômes white jazz.

Gainsbourg, Lynch et Hitchcock, en plus de Bashung et Dominique A ?

Peut-être un peu too much mais pourquoi pas ? De toutes façons, c’est ici le journaliste qui dicte et met les mots dans la bouche de l’artiste qui évite soigneusement le name dropping abusif mais que l’album laisse remonter à la surface comme une évidente carte aux trésors élusivement dissimulés.

Crédit photo : Marc di Malta

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