Jusqu’à quel point est-il possible de s’emballer pour un projet délibérément tourné vers des formes et des tours du passé ? C’est la question qu’on peut se poser l’espace d’un instant à l’écoute de ce projet mené par le Français Christophe Vaillant, aka Le SuperHomard, et le crooner Australien (réfugié en France depuis quelques années maintenant), Maxwell Farrington. Once est-il un disque de notre temps ? Est-il bien raisonnable d’écrire, de composer et d’écouter ce genre de musique de nos jours ?
Le temps des questions ne dure pas très longtemps, tant la puissance de ce disque rétro et son charme inné l’emportent sur tout le reste. Il faut se laisser prendre, se laisser guider, bercer, embarquer dans un projet qui restitue à la perfection la douceur et le sens du merveilleux des disques de Lee Hazlewood ou des Walker Brothers. On y retrouve cette manière méga cool d’arranger les cordes et les cuivres, ce faux rythme langoureux, mi-jazz, mi-western qui confère à la démarche une élégance et une masculinité resplendissantes. Il arrive que le disque lorgne parfois vers le easy listening, le kitsch et le sens parodique, disons, du Mike Flowers Pop. Mais heureusement pour nous, les chansons sont magnifiques et se consomment la plupart du temps au premier degré. Les textes sont splendides, soignés, drôles parfois, les arrangements au poil et la voix de Farrington d’une clarté et d’une gravité extraordinaires dans l’expression.
A lock of your hair or a chip off your tooth /
Could ease this despair that’s eating up my youth /
Our stars might align and I’ll be your beau /
Just give me a sign, I’ll either come or go /
I had a dream of a world where you ceased to exist /
And I was free again Free again
Free Again est impeccable, Good Start proche du psychédélisme des années 70, Oysters touche au sublime tant elle est absurde. On croit retrouver l’audace et la fraîcheur du jeune Neil Hannon sur ce titre. Est-ce un disque de chansons ? Un disque de variété ? Qu’est-ce qui se cache sous ce projet ? On n’en saura rien et on s’en moque. C’est un tel bonheur de danser sur ce disque et de chantonner ces pièces qu’on en devient aveugle de légèreté. Les quelques featurings et notamment celui de Evelyn Ida Morris sur Big Ben respectent la tradition et prolongent le rêve éveillé. Ce disque est le plus inutile et nécessaire de l’année. C’est une bulle de réconfort, une parenthèse enchantée dans laquelle on voudrait être tenu prisonnier pour le restant de nos jours. On pourra arguer que cette musique n’exprime rien sur notre époque (encore que…), que ces bêtises lounge servent à maquiller le désastre et le vide ambiant, mais ce serait se tromper de sujet.
Once peut vous éviter des voyages à l’étranger, de prendre l’avion pendant dix ans, de faire l’amour ou de siroter des Martini olives de manière compulsive. Possible qu’il fasse grandir de quelques centimètres, raffermisse les cuisses et allonge le pénis. C’est un disque qui remplace les fantasmes inatteignables, comble les rides et vous rendra plus confiant et sûr de vous que trois sachets de cocaïne ou une émission de CNews. On reprendrait bien deux fois du homard avec le champagne.