Michael Giacchino s’est fait évincer de la BO de Dr Strange 2, Sam Raimi ayant préféré à l’italo-américain son compositeur fétiche Danny Elfman. Du coup, Giacchino qui ne manque pas de sollicitations a volontiers laissé la place à son aîné et est allé se consoler avec l’épisode 3 de la franchisse relookée Jurassic Park. World Dominion Le Monde d’Après a beau être un ratage cinématographique (le film est trop long pour ce qu’il raconte), Giacchino signe avec cette BO une revanche remarquable, offrant au public un score qui se situe une division au dessus du récent travail d’Elfman et trois bons crans au dessus du film qu’il illustre.
Car si World Dominion se regarde avec beaucoup de distraction, sa BO s’écoute elle avec une attention enamourée. Giacchino y brille par son inventivité, sa maîtrise de registres divergents et sa délicatesse. Là où ses prédécesseurs étaient tous ou presque passés en force Giacchino a initié depuis sa prise en main de la trilogie en 2015 une approche à rebrousse poil qui oppose à la solennité préhistorique des monstres une forme d’allégresse à l’italienne qui fait pétiller les moments de transition et diffuse une sorte de sérénité globale au propos. L’ouverture est élégante et racée. Elle est suivie surtout d’un remarquable A Dinosaur In The Ranching Business aux rythmiques orientales qui rappellent presque Rabih Abou Kahlil. Voilà ce qu’on aime chez Giacchino, qui est l’un des compositeurs prédateurs les plus doués de sa génération, son inventivité et sa transgression des espaces définis par les grands requins hollywoodiens.
Ses rythmiques sont géniales quand il s’agit d’accompagner la gambade des Parasaurolophus. On a beau s’en foutre du film, on fond pour ses thèmes paysagers et sentimentaux (Upsy-Maisie, magnifique pièce au piano et cordes). Il y a toujours eu dans la franchise une intention joueuse, féérique qui tient à la représentation enfantine du dinosaure. C’est sur ce référentiel là que Giacchino déploie son travail avec des échos d’un Saint-Saëns mais aussi une intégration de motifs populaires (les percussions toujours) empruntés parfois aux musiques du monde et africaines en particulier. C’est cette ouverture et cette forme d’insouciance qui donnent du caractère et une vivacité inouïe à sa composition et permettent de faire passer la pilule des instants de bravoure orchestraux exigés par le film.
Car, il y a aussi lorsqu’on écoute Jurassic World des séquences crescendo qu’on ne peut pas refuser, des mouvements emphatiques et complètement convenus qu’il faut bien prendre en compte. Giacchino s’acquitte du carnet de commande avec beaucoup de soin mais aussi d’intelligence en s’appuyant parfois comme sur le beau A-Biosyn’ We Will Go sur des instruments à vent où d’autres abuseraient des cordes. Sur This Dodgson Burns Bright/The Maltese Dragons, on retrouve cet enrichissement des motifs hollywoodiens par la voie orientale. C’est aussi inattendu que bien vu comme lorsqu’on assiste à l’emprunt de codes venus des films d’espionnage sur l’amusant You’re So Cute When You Smuggle.
Avec ses 32 séquences, l’ensemble est non seulement très impressionnant mais réellement très divertissant et surprenant. Une pièce comme The Geneticist’s Gambit/Cicadian Rhythms est remarquable en tout point : suspense, âpreté de la construction, usage des cordes et variation d’ambiance. C’est vraiment du grand art et quelque chose qu’on ne peut que saluer. Il y a bien sûr aussi quelques mouvements rapides qui correspondent aux scènes de chasse ou de pourchasse. C’est plus convenu cette fois mais Giacchino propose quelques envolées séduisantes comme sur A Dimetrodon a Dozen qui fonctionnent bien. On a le sentiment tout du long que le compositeur s’amuse et maîtrise son sujet. Ainsi, sur The Campfire In Her Soul, il emprunte quelques notes au vieux thème de John Williams (première trilogie) pour les travestir et en faire tout à fait autre chose. On retrouvera le thème original de Williams en écho sur Gigantosaurus on Your Life ou encore Larry Curly and MOE. La gestion des tempos est très intelligente et propose à côté de scènes d’action et d’aventure très bien menées (Ladder and Subtract/What’s Your Major Malcolm Function/Six Degrees of Evacuation ultrapuissante et échevelée) des transitions inspirantes (Ramsay’s the Second No More).
L’exercice souvent difficile qui consiste à s’inscrire dans la lignée définie par ses prédécesseurs (John Williams ici) et à conclure un chapitre est ici mené avec brio. Si le film peine à convaincre, ce n’est pas du tout le cas de cette BO de Michael Giacchino qui n’a que des qualités et qui, en tant que telle, aura réussi à égaler voire à surpasser sur ce dernier épisode ce qui avait été fait avant. Si le film avait été un brin meilleur, on aurait pu parier que la BO de Giacchino aurait été se ranger direct dans les rangs des grands classiques de la musique originale. On regrette vraiment qu’elle n’ait pas le film qu’elle mérite et qu’on doive se la repasser sans référence aux images. C’est quand même un sacré handicap pour briller.
02. A Dinosaur in the Ranching Business
03. It’s Like Herding Parasaurolophus
04. Upsy-Maisie
05. Clonely You/The Hunters Become the Hunted
06. The Campfire in Her Soul
07. Hay of the Locusts
08. A Sattler State of Affairs/Alan for Granted/Sattler? I Barely Know Her
09. The Wages of Biosyn
10. Free-Range Kidnapping
11. A-Biosyn’ We Will Go
12. This Dodgson Burns Bright/The Maltese Dragons
13. You’re So Cute When You Smuggle
14. In Contempt of Delacourt/Dance of the Atrociraptors
15. Da Plane and Da Cycle
16. You’re Making Me Feel Wu-zy
17. The Geneticist’s Gambit/Cicadian Rhythms
18. Therizinosaurus Will Be Blood/Land of the Frost
19. A Dimetrodon a Dozen
20. She Shoots, She Scorches
21. Gigantosaurus On Your Life
22. Ladder and Subtract/What’s Your Major Malcolm Function/Six Degrees of Evacuation
23. Ramsay’s the Second No More
24. Gotta Shut Down the Blah Blah Blah
25. Girls Can Alpha Too
26. Saliva and Kicking
27. Wu-ing for Redemption
28. Battle Royale with Reprise/Six Days Seven Denouements
29. A-O-Kayla
30. All the Jurassic World’s A Rage
31. Larry Curly and MOE
32. Suite, Suite Dino Revenge