A quelques encâblures (8 février pour rappel), de la sortie de leur album commun Rogue Monsters, pour lequel ils ont donné leur premier concert ces jours-ci, les deux beatmakers Al’Tarba et Senbeï ne cessent d’occuper l’actualité. Après l’excellent More Pressure, Rogue Monsters laisse échapper un deuxième extrait tout aussi convaincant avec ce Gangsters qui présente toutes les (bonnes) caractéristiques des deux hommes : un recours millimétré et opportun au sample, l’utilisation à l’entame d’un enregistrement d’archives (qui cause gangstérisme et narcotiques), une rythmique précise et affolée, ainsi qu’une science du tempo et de ses variations diaboliques. Le titre se déploie sur un peu plus de trois minutes, inspirant un mouvement héroïque et stimulant, revigorant et plein d’énergie. Gangsters traduit assez bien l’une des lignes de force de l’album (sur lequel on reviendra) qui est de concilier une atmosphère fantastique et propre aux films de genre, sombre, surnaturelle et un brin inquiétante, avec une sorte d’énergie funk propice à l’agitation ou à la danse. Les featurings vocaux, plus rares mais tout aussi importants, ajoutent au cocktail un second souffle dévastateur qui sublime le tout. S’il est difficile de suivre qui est à l’origine de quoi ici entre les deux mastodontes, on peut penser que Senbeï a su insuffler aux prods d’Al’Tarba une vivacité supplémentaire qui fonctionne comme un parfait complément à sa science du collage et du rebond. Le résultat, qu’on perçoit finalement encore assez mal sur un ou deux morceaux, prend toute sa valeur lorsqu’on s’enfile ce Rogue Monsters dans la durée.
Ceux qui n’en ont pas assez pourront aller faire un petit tour, pour le plaisir des yeux et des oreilles, du côté de cette autre livraison : le nouveau clip de Senbeï en extrait de l’album Ningyo, qui, lui, est sorti le 26 janvier. Réalisé par Victor Jardel, c’est une balade somptueuse dans un New-York sublimé. Chaque plan est une réussite et un voyage à lui tout seul dans l’imaginaire de la Grosse Pomme. Des quartiers blacks à Manhattan, en passant par la revue des graffitis, du métro aux parcs, c’est une merveille de délicatesse et de fantaisie qui sert parfaitement l’équilibre du son. L’électronica sophistiquée de Senbeï est relevée de cuivres mais aussi par les interventions discrètes d’un DJ Nix’On qui confère à l’ensemble une patine old school assez irrésistible.
D’où qu’on se place, c’est du très bel ouvrage.