Slumb / Play Dead
[Banzaï Lab]

8.7 note de l'auteur
8.7

Slumb - Play DeadSuivis pas à pas depuis un an et leur premier single, les Slumb sortent ces jours-ci leur premier album, le très attendu Play Dead. Le pianiste Julien Marchal et le beatmaker Senbeï investissent à travers ce disque un espace original, spectaculaire et envoûtant, entre musique ambient, poésie minimaliste et chanson façon trip-hop. Le résultat est à la fois remarquable et saisissant, augurant d’une véritable rencontre, tout à fait singulière, entre musique contemporaine et un travail de beatmaking atypique et qui s’inscrit dans la lignée des précédents travaux de Senbeï. Play Dead sonne ainsi comme une sorte de musique de film imaginaire qui démarre par un Last Exit to Slumberland hypnotique et qui nous plonge d’emblée dans un monde fictif et immersif, futuriste et sophistiqué. Entre les samples et les beats, les percussions saisissent, rappelant quelques films culte tels que le chef d’oeuvre nippo-polonais de Mamoru Oshii, Avalon. Les titres naviguent entre émotion (le piano de Marchal est économe et d’une belle justesse) et vision crépusculaire d’un monde fané et étrange comme si le disque entreprenait d’ouvrir une brèche vers un futur d’anticipation.

Aurora mêle bruits d’horloge, frémissements d’insectes tout en proposant un crescendo qui renvoie aux travaux et aux boucles d’un Mogwai électro. Happy As a King n’est pas si éloigné de ce que propose Senbeï au sein de Smokey Joe and the Kid mais s’appuie sur une production rétro qui confère à l’ensemble, par le recours à des chœurs lyriques, une épaisseur et une dimension épiques. Le disque ne cède jamais à la facilité et refuse les séquences rythmiques stéréotypées ou ouvertement tournées vers le divertissement, pour se concentrer sur des rendus d’ambiance plutôt complexes et qui font penser à des projections virtuelles ou, encore une fois, à des chefs-d’œuvre comme la Jetée de Chris Marker. La référence cinématographique n’est pas involontaire tant il semble que cette musique (envisagée seule) dispose d’une capacité à convoquer des images, une vision cinématographique fait d’un futur post-moderne, un brin fragile mais aussi touchant et plein d’espoir. C’est le cas du remarquable Over and Done et du Come And Get In, magistral dont on a déjà parlé.

On est impressionné par l’intelligence d’une production qui fond les influences électro et classiques avec un sens de l’harmonie remarquable. On peut écouter en boucle la délicatesse modeste d’un titre comme Copernic que domine le piano agile de Marchal, tout comme on peut se laisser immerger dans l’univers côtier et cérébral du superbe GrandMa. On n’est pas si loin chez Slumb des travaux de l’anglais Black Reindeer ou des Japonais de chez Schole Records, dans cette manière de mêler le piano minimaliste et des sons bidouillés, ou du land art. Senbeï y ajoute cette touche jazz and rétro qui le caractérise, quand il ne crée pas la surprise en introduisant le hip-hop solennel d’un Thomas Anton sur l’impeccable Mystery Men. On navigue alors dans un genre presque inédit, où on mêle hip-hop, blues-soul et jazz.

On s’attendait, à l’écoute des premiers singles, à ce que Play Dead soit plus entraînant et percutant qu’il n’est en définitive. Il fait au final beaucoup mieux que ça en inventant un espace visuel et musical unique et aux contours profondément révolutionnaires et immersifs, d’une densité extraordinaire et bouleversante. L’ensemble est exigeant, passionnant et d’une tenue irréprochable. Il ravira ceux qui ne s’arrêtent pas au format chanson, aux mélodies et aux simples variations de tempo. On a affaire à un grand disque à écouter les yeux fermés, une vraie machine à suggérer et à se déplacer dans le temps.

Tracklist
01. Last Exit To Slumberland
02. Aurora
03. Happy As A King
04. Over and Done
05. Come and Get It (feat. CW Jones)
06. Copernic
07. Reset (feat Ed. Tulett)
08. Grandma
09. Mystery Men (feat. Thomas Anton)
10. Flip
11. Play Dead
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