Soccer Mommy / Sometimes, Forever
[Loma Vista]

8.1 Note de l'auteur
8.1

Soccer Mommy - Sometimes, ForeverOn suit Soccer Mommy depuis ses débuts et notamment depuis son premier album Clean sorti en 2018. Son parcours est épatant, tout comme est passionnante à suivre son évolution. Partie de sa chambre dans une démarche assez lofi et intimiste, Sophie Allison a très vite compris qu’elle devrait musicalement et sur le fond dépasser cette posture misérabiliste et solitaire pour continuer à avancer et à proposer du nouveau. L’âge adulte est un horizon et un renoncement.

Ce troisième album, Sometimes, Forever, marque un pas de plus dans cette démarche, non pas de réinvention, mais de constante recherche d’une voie pour s’en sortir. La jeune femme qui lorgnait jusqu’ici vers des influences (excellentes) venues des années 90 (Liz Phair, Cat Power et quelques autres) élargit sa palette de références. Les guitares grésillent et viennent épaissir un brouillard qui a parfois de faux airs de My Bloody Valentine. Daniel Lopatin de Oneohtrix Point Never vient apporter ici sa patte vaporwave à un ensemble qui gagne en profondeur ce qu’il perd en lisibilité et en rudesse.

Après la douleur et la confrontation avec sa propre noirceur, Soccer Mommy semble un peu désemparée et en pleine introspection. Ses chansons sont plus centrées sur elles-mêmes, plus tarabiscotées (Unholy Affliction), plus abstraites aussi. « I am barely a person« , chante-t-elle, comme paumée dans sa quête d’elle-même. Lopatin l’enfouit sous les effets expérimentaux et l’on assiste en direct à une sorte de renaissance sous forme d’une Beth Gibbons dé-soulée ou désaoûlée. La comparaison avec Portishead fonctionne plutôt bien du reste sur des titres comme Darkness Forever, l’un des plus beaux morceaux du disque, ou même Shotgun en mode vivifié. Soccer Mommy ne se produit pas encore en robe de soirée mais a abandonné le pyjama.

La jeune fille des débuts ne disparaît pas complètement et continue de dicter le sens de montagnes russes émotionnelles qui vont de l’emballement complet à l’effondrement. Newdemo est une jolie comptine qui renvoie aux sentiments plus radicaux du punk rock et très Breeders, Dont Ask Me, un autre mini-tube immédiat. « I don’t know how to feel things small. It’s a tidal wave or nothing at all. » chante Sophie Allison sur Still, une remarquable miniature en mode acoustique. C’est exactement ça Soccer Mommy : tout ou rien, l’amour ou la haine, la passion absolu ou la neurasthénie, comme si les émotions intermédiaires n’existaient pas. Tout n’est pas remarquable à ce point sur le disque : on s’ennuie un peu sur le trop descriptif Fire in The Driveway et on est guère plus enthousiasmé par le mainstream et facile, Following Eyes, qui suit.

Mais il y a malgré tout un vrai plaisir à suivre le cheminement d’une jeune femme qui serpente ainsi entre les genres et les influences. Il y a de la soul et des accents blues dans le gnangnan Feel It All The Time qui sont presque irrésistibles comme il y a de l’aplomb et une belle tenue indé sur Bones. Ce disque semble saisir son auteure dans une posture intermédiaire et à la croisée des chemins. Soccer Mommy s’était choisi un patronyme en avance sur son temps, un truc de mémère et de femme au foyer à coucher dedans. Elle réalise au fil du temps que le personnage n’est pas si simple à porter. Doit-elle se payer un groupe et sortir de sa chambre ? Est-ce que l’âge adulte à un prix ? Est-ce qu’il nous débarrasse vraiment de nos névroses et de nos défauts ? With U est un morceau passionnant à cet égard. Comme s’il était possible de revenir en arrière et de continuer à penser comme une princesse.

Being with you is all I can do
The stars and the moon can’t compare
To coming undone, staring straight at the sun
‘Til all I can see is you there
Until all I can see is you there
Until all I can see
Is just you and me

Sophie Allison n’a pas cessé de grandir. Sa croissance en tant que femme et en tant qu’artiste sonne comme un voyage passionnant et que Sometimes, Forever met en scène avec une vraie science et un authentique panache. Cet album n’est pas un chef d’oeuvre sans défauts, c’est une merveille qui se situe juste un poil en dessous de ce qu’on aurait espéré ou rêvé, une œuvre d’apprentissage sublime et qui nous montre ce qu’il y a de mieux dans la musique pour adultes : la frustration, érotique, qu’il y a à y être presque.

Tracklist
01. Bones
02. With U
03. Unholy Affliction
04. Shotgun
05. New Demo
06. Darkness Forever
07. Dont Ask Me
08. Fire in the Driveway
09. Following Eyes
10. Feel It All The Time
11. Still
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