A l’ère des enregistrements proprets et des éditions deluxe, il n’y a rien de plus plaisant que de s’envoyer par les joies du numérique un vieux live pétaradant et dégueulasse, mal monté et nettoyé. C’est tout ce qu’on retiendra des désormais récurrents Bandcamp Friday invitant les groupes, qui tentent de gagner trois francs six sous de manière indépendante et semi-professionnelle, à mettre en ligne régulièrement de nouveaux produits… pour des soirées/nuits où le partage de la valeur tourne pour quelques heures à leur avantage exclusif.
C’est le cas de nos amis écossais de Urusei Yatsura, qu’on ne cesse de mettre en avant et qui, pour nourrir la demande et faire bouillir la marmite (le groupe n’existe plus depuis des décennies mais dispose depuis quatre ou cinq ans d’une excellente gestion de sa tribu et de ses fonds de tiroir), alimente plus que régulièrement ses quelques dizaines/centaines de supporteurs en enregistrements live au caractère inestimable. On rêverait bien sûr (parce qu’on est de ce monde là) de disposer de ces enregistrements souvent inécoutables en CD mais le numérique, Bandcamp en l’occurrence, fait parfaitement l’affaire pour nous offrir une consommation sonique de ces disques, sans grand intérêt par rapport à la discographie officielle des groupes, et qu’on peut s’envoyer comme un shot de tequila ou on l’imagine une pipe de crack au petit déjeuner.
C’est ainsi pour la livraison du jour (4-5 août 2023), captée sur cassette un soir électrique de juin 1996 dans un bar-bouge de Southampton. Le groupe est au complet et la setlist au poil, taillée pour faire saigner les oreilles et en forme de best of puissant et athlétique d’un groupe éternellement sous-estimé, presque aussi costaud que le Pavement de 1993 mais trois ans plus tard. A écouter les applaudissements, on est pas certains que la salle ait fait le plein mais cela ne nous empêche pas de pousser le volume à fond, de s’immerger dans les accents écossais à couper au couteau de Fergus Lawrie et Graham Kemp. Death 2 Everyone sonne un peu comme le Life Stinks de Peter Laughner et ce n’est pas un hasard quand il s’agit de brûler sa jeunesse et la société qui va avec en toute connaissance de cause. L’ouverture avec Kewpies Like Watermelon, First Day On A New Planet et Lo-fi nous fait regretter de n’avoir aucun moyen de nous projeter rétrospectivement dans cette salle/pub où tout se passait sans que personne ne le sache. C’était une journée où il ne se passa à peu près rien (on a vérifié – la sortie du Gabon de l’OPEP peut-être) mais on voudrait la vivre encore et encore. Le son crachote, tout est cheap et transpire la modestie jusque dans la façon dont les guitares s’accordent entre les titres mais la sensation de malaise qu’on retire en écoutant l’enregistrement à plein volume est enivrante et approche d’assez près la sensation d’un voyage dans le temps.
Urusei Yatsura termine le set avec une version démente de Siamese, survitaminée et chaotique comme un goûter d’anniversaire chez Sonic Youth. C’est tout bonnement fabuleux de ressentir le son en fusion et sculpté à même la sortie d’ampli de cette manière comme si on y était. Le disque, comme d’autres, est en prix libre.
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