Le label madrilène Elefant est, depuis le début des années 90, une référence incontournable en matière de pop ibérique. Une histoire traversée de hauts, de bas et qui rebondit depuis quelques années à la faveur d’une direction artistique clairement orientée vers les tous jeunes artistes espagnols et même, pour être vraiment précis, les jeunes artistes espagnoles pour lesquelles le label est devenu un véritable tremplin en même temps que lui s’avance comme une authentique chambre d’exploration des nouvelles tendances pop. Si l’on peut souvent faire ici ou là le reproche de manquer de prise avec les expressions les plus modernes de la musique, ça n’est en tout cas pas à Elefant qu’on le fera. Le souci, c’est que ça ne fonctionne pas toujours en ce qui nous concerne ; pas souvent même. Trop de gras de churros, trop de sucre de batido de vainilla jusqu’à l’écœurement : la nouvelle pop espagnole lorgnant sur des tendances très, trop mainstream avec ses beats caraïbo-rappés, son auto-tune à toutes les sauces et sa mièvrerie aussi colorée qu’une garde-robe Desigual peine à convaincre.
L’avantage de cette situation, c’est que quand on tombe sur une pépite, on est à peu près certains que c’est pour de bon. C’est exactement ce qu’il se passe avec ce duo madrileño-canarien, Pipiolas, deux jeunes femmes bien de leur époque qui imposent depuis leur premier maxi sorti l’été dernier, El Verano Que Me Debes et à présent ce nouveau single, Romancero Propio, premier extrait d’un album à venir, un style déjà très personnel et plein de vigueur. Chanteuses et danseuses, si jeunes et déjà sacrément performeuses, elles nous entrainent au cœur du plus moderne des troubles qui se règle à coup de pilules roses censées rétablir un bonheur quelque peu chimique. Un thème grave et profond mais exécuté avec une légèreté qui en fait un amour de pop song synthétique sur lequel aux temps franchement dansants succèdent des moments plus complexes sur une mélodie faite de haut et de bas dignes d’un état dépressif carabiné. On pense à M83 quand la tension se fait oppressante, à St Etienne pour cette faculté à faire danser malgré tout mais aussi aux basques de Single dont l’influence sur cette pop jamais simple apparait comme une évidence, notamment quand s’emparent du titre des spoken words tourmentés.
S’il est difficile de confirmer pour l’heure les pronostics enthousiastes outre-Pyrénées quant à l’avenir d’Adriana Ubani la canarienne et de Paula Reyes la madrilène, parvenir à rééditer une telle performance sur le long cours serait indubitablement le signe que le défricheur Luis Calvo et son équipe n’ont décidément pas fini de taper à intervalles régulier dans le mille.