Si on a parfois le sentiment de le voir omniprésent à la tête de tous ses projets, Michel Cloup met toujours un point d’honneur à rendre les choses claires : quand il se dit « Duo », c’est bien que le batteur Julien Ruffié est complétement partie prenante de l’ensemble du processus, de la même façon que le projet A La Ligne n’était pas que le sien mais bien celui d’un quatuor complété par Pascal Bouaziz et le regretté Joseph Ponthus. Alors quand il annonce que Backflip Au-Dessus Du Chaos sortira sous son seul nom, c’est bien que ce n’est que de lui qu’il s’agit et qu’il en répondra seul.
Si l’on se souvient du Michel Cloup encore juvénile qui présentait sous un pseudo Marvel-esque ses productions plus personnelles en marge de l’aventure Diabologum dans la première partie des années 1990, difficile aujourd’hui d’établir une comparaison entre le cinquantenaire et son double post-adolescent de la Peter Parker Experience, déjà caustique et concerné, mais toujours un peu branleur, parfois bruitiste mais le plus souvent très poppy et lo-fi. Michel Cloup a vieilli et le monde avec lui sauf que si l’homme mûr reste malgré la patine du temps un chanteur et musicien fringuant, un auteur accompli et reconnu, le monde lui s’est considérablement enlaidi en 30 ans et ça, Michel Cloup ne pouvait pas le laisser passer à l’heure de dresser un point d’étape plus personnel.
Mon Ambulance, premier extrait d’un album très attendu, témoigne d’abord d’une colère qu’il ne s’agit plus de contenir. Le véhicule file à toute allure sur un rythme électro-clash plutôt inédit chez le toulousain. Si les albums du Michel Cloup Duo se sont tous clairement implantés dans un espace franchement rock, la dynamique de ce single s’inscrit plus dans la lignée d’Experience car si on ne peut vraiment pas affirmer que Michel Cloup se soit un jour dé-radicalisé musicalement parlant, la forme que prend Mon Ambulance est clairement annonciatrice d’un album qui ne laissera pas de place à la moindre concession. Ici, quelques notes de piano ou arpèges de guitares ne pèsent pas bien lourd face au rouleau compresseur d’une boite à rythme mécanique qui s’emballe et ne contient en rien les riffs acérés tout en larsens contrôlés comme des coulées de lave qui nettoieraient tout sur leur passage, par le vide.
Comme il n’est pas interdit d’avoir de la suite dans les idées, la vidéo animée est signée Ronald Grandpey, pas tout à fait inconnu dans l’univers de Michel Cloup puisqu’il signait déjà les vidéos d’Hémisphère Gauche (2004) et Des Héros (2008) sur le second et le quatrième album d’Experience, encore. Des vidéos dans lesquelles on retrouvait ce même personnage qui conduit aujourd’hui ce véhicule de la première des urgences vitale : vivre. En prenant le parti de suivre presque à la lettre la folle virée du titre, la vidéo trace la route chaotique et frénétique du véhicule qui embarque un à un celles et ceux qui préfèrent mourir de rire et de joie. Comme les paroles, la vidéo est bourrée de clins d’œil incessants : on pense par exemple avoir déjà croisé ce jeune homme qui ouvre la porte du van pile au moment où il s’agit de retrouver candeur, naïveté et insouciance, tout comme on ne loupe pas la sublime pochette de The Doctor Came At Dawn de Smog, l’un de ces albums de fin de monde, souvent décrit comme l’un des plus tristes qu’il soit et que l’on croise au détour d’un escalier.
Vous voilà pris en charge par les secours. Le protocole complet des soins sortira le 18 novembre toujours sur le label nancéien Ici D’Ailleurs mais vous êtes prévenus : le mal est profond, le traitement ne sera pas de tout repos.