Michel Cloup / Backflip au-dessus du chaos
[Ici d’ailleurs]

9 Note de l'auteur
9

Michel Cloup - Backflip Au-Dessus Du ChaosJusqu’à présent, la dualité cloupiènne semblait plus ou moins acquise : un album triturant les peines du monde, un autre lacérant les plaies vivaces d’un être contemporain. Encore que rien, chez Michel Cloup, ne pouvait décemment suivre une route déjà balisée, la dualité semblant parfois ne former qu’une même entité. En réinvestissant dernièrement, avec Pascal Bouaziz et Julien Rufié, les mots possiblement godardiens (période Sauve qui peut…) de Joseph Ponthus (décédé le 24 février 2021) – nécessaire À la ligne-feuillets d’usine -, l’auteur-compositeur trouvait moyen d’épurer le discours pour n’en garder que la sève du militantisme : autrement dit, parler de l’époque, d’une époque, en se positionnant tel un acteur du jeu/je social. Backflip au-dessus du chaos oublie ce regard d’acteur, mais hors de question de revenir au bilan introspectif : l’album trouve le bon ton, la bonne mesure lexicale, afin de ne pas distinguer l’individu Michel du citoyen Cloup. Après tout, parler du monde actuel, c’est parler de soi, et vice versa, non ?

Oui mais quand tout va mal ? Quand l’artiste s’échine, depuis trente-cinq ans (Diabologum, Lucie Vacarme, Peter Parker, en duo, à plusieurs, ou bien seul), à faire du beau à partir du sale (« extirper de l’or », en ouverture de “En attendant demain”) sans que la poésie du geste ne s’extirpe du cercle des convaincus, que reste-t-il à dire ou à faire ? En l’occurrence, en cette fin d’année 2022, pour Michel, appuyer sur le champignon, faire vrombir l’ambulance jusqu’à ce que la sirène ne s’épuise d’usure – tel Nicolas Cage dans Bringing Out the Dead, ambulancier scorsesien, tendu, agissant au quart de tour, comme pour expulser, en une nuit (un disque ?), les sensations ravalées des derniers temps.

Car Backflip est un disque certes de colère (Cloup sans grondement, nous serions frustrés), mais surtout, et peut-être même essentiellement, issu d’un bateau-phare lointain qui oublierait la pénurie d’électricité pour, encore et encore, renvoyer sa petite lumière – quand le conditionnement agresse trop, mieux vaut dire plus fort et plus vite les nécessités du cœur. Et effectivement, ce nouveau MC (là en solo) tabasse fort puisqu’il s’éclate à rameuter des breaks méchants, des bribes d’électro bien crash, des grattes 90’s pas très éloignées des meilleurs moments Diabologum (“Dix ans”, yes !). Paradoxe d’auditeurs face aux albums de Michel Cloup, et particulièrement celui-ci : plus ça va mal autour de nous, mieux se porte l’inspiration du compositeur – et par extension, la santé mentale de ceux qui persisteraient, en 2022, à chercher des réponses ou des tentatives de rationalisation dans l’écoute de disques de rock français (de vrais disques de rock français, hein, sans variétoche additionnelle ni belle orchestration pour flatter le poil des férus Walker Brothers).

Quand j’ai ouvert les yeux” donc, point de ralliement toujours valable, aujourd’hui comme en 1996, entre une prémonition d’une neige en été et les emmerdes actuelles. Le saut périlleux s’accrédite.

Tracklist
01. En attendant demain
02. Mon ambulance
03. Introspection
04. Brûle Brûle Brûle
05. Lâcher prise
06. Résurrection
07. Dix ans
08. Vieillir
09. Ciao bye bye
10. L’internationale 2022
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