Babygirl qui sort officiellement en France le 15 janvier 2025 semble être la grande affaire érotique du début d’année prochaine. Le film est réalisé par la néerlandaise Halina Reijin, qui a signé il y a quelques années le chouette Bodies Bodies Bodies, un slasher superficiel mais qui sentait l’influence Brett Easton Ellis à plein nez. Cette fois, la réalisatrice a un casting doré avec Nicole Kidman (ou la personne qui se fait appeler ainsi) et Antonio Banderas en mari square, mais surtout un pitch d’enfer : Nicole Kidman a tout pour être heureuse (une famille, un job en or, elle est PDG, belle, etc) mais va se révéler en se faisant malmener sexuellement par son… stagiaire. Ca a l’air carrément pourri, écrit comme ça, mais on nous promet de l’humiliation féminine émancipatrice et donc probablement du cul de bonne facture avec étranglement, suçage de teubs, visage en plastique sous l’orgasme cosmique etc. Une des photos échappées du film laisse entendre que Nicole Kidman et le stagiaire Harris Dickinson ont rejoué la fameuse scène de la piscine entre Loana et Jean-Edouard. Que du bon, donc, même si on pense que ce cross over entre Eyes Wide Shut et 50 Nuances de Gris devrait être un des pires trucs de l’année. Ce qui est intéressant c’est qu’une des chansons du film, Leash de Sky Ferreira est aussi sortie et qu’elle est plutôt bien. L’unique album de la jeune femme (elle a désormais 32 ans) date d’il y a plus de dix ans. Son retour avec Jorge Elbrecht en co-auteur, marque peut-être le début d’une renaissance pour celle qui avait été propulsée star XXL et mondaine avec son premier album contrarié et qui reste depuis en conflit avec Capitol. Il faudra qu’on raconte son histoire un jour. Le ton très années 80 de Leash devrait contribuer à faire de Babygirl le premier nanar de 2025 aux allures antidatées.
Mais la question qui se pose ici est celle du potentiel érotique des BO… de film érotique. Le paradoxe étant que contrairement aux films de SF ou d’horreur, voire aux films dramatiques, les BO ou illustrations de films érotiques sont étrangement peu érotiques…. L’occasion pour nous de revenir à partir de quelques exemples choisis arbitrairement sur cette curiosité qui veut que les titres sexy ne soient que très rarement utilisés pour faire bander, exciter ou créer le désir, comme si la stimulation ne pouvait venir dans ce genre de films que de l’image et de rien d’autre. Le sexe n’aurait pas l’oreille musicale ? Ou alors ne pourrait tout simplement pas additionner musique réellement sensuelle et suggestion libidineuse.
Le truc amusant c’est que Alden Shuman comme le réalisateur du film ont amené avec ce Devil In Miss Jones, un univers sonore et visuel assez différent des pornos de l’époque qui carburaient à la joie et au gros funk. Ici, la BO est très orchestrée et plutôt inconfortable à l’oreille même si pas dénuée de sensualité par moments. Il y a des cordes et du piano et pas des guitares et des trucs kitsch. Le sexe est musicalement pris au sérieux au point qu’on peut trouver la BO en décalage avec le genre qu’elle illustre. On est en 1973 et ce film porno a des allures d’alternative aux films qui dominent le marché. Le sexe intelligent, c’est possible. La musique érotique classique… en théorie aussi, mais on est moins sûrs.
S’il ne devait rester qu’un seul truc à retenir de Sliver, thriller érotique pas si sexy mettant en scène Sharon Stone dans une tour vidéosurveillée par William Baldwin (on saluera la performance de Tom Berenger également), c’est bien cette création exceptionnelle d’Enigma pour le film. Carly’s Song incorpore un sample d’une chanson d’amour mongole et mélange cette incongruité avec un beat downtempo assez savoureux et quelques paroles « chantées » façon trip-hop. Quelques percus africaines et déraillements synthétiques typiquement années 90 font la différence faisant sonner le tout comme un bruit de braguette qui descend coincée dans un aquarium. Erotique ? Pas certain mais il faut avouer que Sharon Stone était très très très belle et que le début du film a un petit quelque chose de charmant. Enigma, groupe érotique, c’est pas si simple à admettre mais d’aucuns continuent de penser que les chants grégoriens et les musiciens roumains vont bien ensemble.
Plus près de nous, la star du moment, The Weekend, se prête au jeu du blockbuster érotique et signe un caliente Earned It pour le nanar en 3 actes, Fifty Shades of Grey. Essayer de faire des trucs sexy ou de mêler érotisme et sens du sacré pour illustrer un film érotique est le pire truc à faire. The Weeknd qui avait plutôt assuré jusqu’ici se ridiculise jusqu’à la facture assez croquignolette de ce clip pompé sur Guesch Patti. Plus nul, tu meurs. L’artiste a réussi à recycler le titre sur son propre album. Il n’aura pas tout perdu.
Avant Sliver, il y avait évidemment Basic Instinct de Paul Verhoeven avec encore et toujours Sharon Stone, cette fois en Catherine Tramell. Entre les scènes lesbiennes et celles avec Michael Douglas, on a jamais fait beaucoup mieux dans les années 90. La BO voit clair et renonce à l’érotisme pour de la pure house music signée Bud La Tour, un musicien électro de l’époque assez obscur. Le morceau Blue est réellement très bien pour se chauffer et baiser. la scène se passe en discothèque et c’est fait pour ça. La BO du film n’échappe pas à quelques clichés chic mais rien que pour ce morceau et ses innombrables remixes qui l’allongent de 4 à 12 minutes parfois, on peut retrouver foi en la bestialité primitive et sans sophistication des musiques érotiques. Si on avait à composer une telle musique, on irait au plus simple : une pulsation, une simple répétition et c’est tout.
Les Wachowski sont à l’échauffement mais déjà en avance sur leur temps avec ce thriller noir et pseudo-érotique qui mêle lesbianisme et intrigues de gangsters. On retrouve les motifs électro-synthétiques sur la BO signée Don Davis qui choisit néanmoins sur le plan musical de ne pas traiter du tout la thématique de la sensualité entre femmes. La BO est classique, orchestrale et parfaite pour illustrer un film policier. Pour le reste, il faudra repasser. Il y a des crescendos rythmiques à tout bout de champ qui empêchent qu’on s’avachisse pour se caresser ou se brouter les organes. Le film est bon et musclé mais côté musique, c’est nul de chez nul. Davis bossera plus tard sur Air Force One et Star Trek, mieux dans son registre.
C’est beau, c’est kitsch et doux comme les dents d’un peigne qui lissent une toison publique après la douche. Avec Francis Lai, on touche à l’histoire de l’érotisme, celle qui fait rougir les joues et fait se tourner la caméra quand elle risque de saisir un sexe en érection. De toute façon, il n’y a que des jeunes filles. Ici, on est en 1977 et c’est évidemment le terrifiant David Hamilton qui régale les amateurs de pensionnat sur un scénario de Catherine Breillat inspiré de Pierre Louys. Le film fait un tabac en Allemagne notamment. La BO est presque impossible à réécouter même si certains idolâtrent Francis Lai qui a également composé la musique d’un Homme et une femme pour Lelouch. Le piano, dans le porno, c’est pédophile. On peut retenir ça : ça marche presque tout le temps. Le piano dans ce genre de BO est suspect et exprime souvent une vision très masculine et désirante portée sur le sexe féminin, comme si chaque touche vous courait sur le corps comme des doigts ou des pattes d’araignée. Bilitis, Emmanuelle 2 : Francis Lai s’est souvent mis au service de blockbusters dégueu de la période.
Tu quoque Ennio. Pour le remake de Lolita (2000) par Adrian Lyne, Morricone fait l’amour le matin (Love In The Morning). C’est une commande, un film qui doit marcher et Morricone donne son meilleur…. c’est à la fois orchestral, précis, tragique et fabuleusement beau. Mais ça n’est pas érotique. On pense très souvent à l’élégance de Mahler. L’anti-Francis Lai par excellence, et c’est tant mieux. Le film est assez médiocre mais la BO l’une des meilleures créations de Morricone sur cette période.
On n’est pas vraiment obligé de commenter ça, si ? Pierre « Les Corons » Bachelet n’est qu’un vulgaire débutant et signe une grosse demie-heure de bouse infâme à base de saxo, de thèmes pauvres et répétitifs, fendus parfois de trucs primitivistes comme des beats afro ou des rythmiques d’avant-garde. La chanson Emmanuelle qui deviendra l’hymne du film et la seule raison de se procurer cette BO est elle-même assez médiocre mais emballe tout son monde. La carrière de Pierre Bachelet, chanteur solo, prendra quelques années plus tard mais il continuera, sans doute par intérêt, à composer pour le cinéma et notamment pour Just Jaeckin et ses nanars érotiques. Quelle horreur !
Le sexe post-moderne, c’est froid et c’est clinique. Les temps changent et c’est peut-être cela qu’il faut retenir. L’érotisme au cinéma est musicalement plus excitant quand il est vif, violent et un peu rude autour des zones érogènes. On peut aimer Nymphomaniac pour ça : cette manière de ne pas y aller avec le dos de la cuillère, à l’image de cette belle chanson de Rammstein. Le texte est passionné, incandescent mais la relation qui est décrite ici est toxique. Oui, le sexe c’est mal. Le sexe ça tue. Le sexe, ça fait mal partout. Pas sûr qu’on y gagne beaucoup mais chez Lars Von Trier, l’intégration du morceau à l’histoire de Joe est assez réussie.
Il y a de la techno mais aussi ce joli Whistle de Sporto Kantes dans la Vie d’Adèle. L’année d’avant, le morceau avait servi de pub pour la Twingo. Même bon esprit, même vivacité. Il revient dans le film pour faire la fête pendant l’anniversaire d’Adèle Exarchopoulos. Le sexe ou ce qui précède peut être joyeux, festif, chaleureux. Ça marche aussi.
La musique principale de Babygirl est signée Cristobal Tapia de Veer. Ce Canadien chilien a posé pour les 2 Smile et ça ne nous a pas vraiment marqué. Les cordes sont très présentes dans ses BO et on a pour le moment rien trouvé de vraiment érotique aux morceaux en ligne. Il faudra écouter ça de très près mais il est possible que ce Babygirl soit aussi stimulant que le rayon légumes de Super U un 1er janvier.
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