Il manquait à côté de nos « standards putaclics qui savent rester dignes » comme les 10 chansons pour baiser ou les chansons froides pour temps chaud 1 et 2, à mettre à disposition une liste des formats longs (LP uniquement) qui peuvent utilement servir à détendre l’atmosphère et installer un climat de confiance et de détente AVANT, PENDANT ou APRÈS l’amour. On entend évidemment par amour tout ce qui peut vous passer par la tête et le cœur : entre homme et femme, « à l’ancienne » donc comme on dira bientôt, femme et femme, homme et homme, FFH, HHF, groupe, etc, selon les modes d’aujourd’hui, avec ou sans sexe la chose étant à l’écoute de ces disques presque dispensable et pas nécessairement cantonnée au passage à l’acte. C’est l’avantage de sortir du format chansons (puisqu’il est assez rare en dehors de pratiques sur lesquelles on ne reviendra pas de faire véritablement l’amour pendant plus de 40 minutes, soit la durée moyenne d’un LP) que de pouvoir faire durer les débats/ébats et de s’attarder non pas sur de simples hits bouillants mais sur des albums entiers qui dégagent une ambiance, un climat favorable à la satisfaction amoureuse.
Bref, LPs et comme à notre habitude plutôt bons et mêlant curiosités, raretés et choses plus évidentes à se mettre sous le string, frais ou conservés bouillants par la grâce des années, masculins et féminins à parts égales comme il se doit.
1. Prince – Lovesexy (1988)
A tout seigneur, tout honneur : on aurait pu ranger ici TOUS les albums de Prince sans exception à commencer, peut-être, par son premier disque For You qui en 1978 mettait déjà la barre très haut avec notamment le standard moite Soft And Wet (tout un programme). Mais on a préféré retenir Lovesexy parce qu’on ne s’est jamais tout à fait remis de sa pochette et de cette fleur pistil pénis qui pointait le coeur du chanteur. Lovesexy a un rapport au sexe singulier, presque distant et abstrait par rapport à d’autres disques de Prince. Le sentiment d’élévation et le sens du sacré se conjuguent pour rapprocher la rencontre de l’Autre (divin, par delà les genres) d’une expérience mystique et poétique incroyable. Même si cela paraît un choix évident et attendu, ouvrir notre sélection avec Prince est incontournable.
2. Janelle Monáe – Age of Pleasure (2023)
On ne sait évidemment pas ce que l’histoire retiendra de ce disque de la splendide Janelle Monáe mais celle qui faisait déjà en 2018 partie des chanteuses préférées (et on devine pourquoi) de Barack Obama, livre avec Age of Pleasure un disque qui se veut presque un manifeste contemporain et une étude de la baise en 2023. Toutes les formules sont explorées. Les paroles sont crues. Le sexe est explicite, en double ou en trouple, homme/femme et femme/femme. On l’a dit : c’est un festival qui ouvre des perspectives, par la simple force de l’interprétation, qu’on avait même pas envisagées. L’album est bon, long, fondant et craquant.
3. Morcheeba – Big Calm (1998)
De Janelle Monáe à Morcheeba, il n’y a qu’un pas et 25 ans d’écart. On les franchit d’une traite parce que dans un registre qu’on qualifiait à cette époque de trip-hop mais qui relève tout aussi bien de la soul que du Rnb, Skye Edwards, tout en lorgnant vers le mainstream qu’elle rejoindrait avec le groupe un peu plus tard, imposait, sans outrance, une ambiance saturée d’érotisme balnéaire. Sa mer, ses plages étaient pleines de soleil et de rêve mais se partageaient à demi nu, sexe à l’air et sans aucune doute avec des intentions pleins la tête. Big Calm était une invitation au voyage et à l’amour.
4. Jay-Jay Johanson – Fetish (2023)
Il y a eu des époques pour considérer que Jay-Jay Johanson était un type… séduisant dans son genre. Un crooner sentimental. Et puis d’autres où il aurait fallu être un peu pervers pour considérer qu’il puisse nous émoustiller. Par delà l’homme et le personnage, saluer Fetish, c’est saluer un excellent disque du Suédois et saluer la vigueur de ce dandy pop à la sensualité et à la musique éminemment moderne depuis plus de 25 ans maintenant, androgyne et relâchée, cool et rarement exaltée. Le nouveau disque est d’une classe éblouissante.
5. Al Green – Let’s Stay Together (1972)
On voulait éviter Isaac Hayes et Marvin Gaye, trop attendus. On gardera Al Green et ce Let’s Stay Together qui doit être son 3ème ou 4ème album et qui est empreint d’une pureté soul dans l’expression du sentiment amoureux qui a rarement été atteinte ensuite. Le disque originel est composé de 8 morceaux dont 7 sont signés par Al Green seul. Seul le morceau titre est cosigné avec le batteur Al Jackson Jr et l’arrangeur Willie Mitchell. Tous les morceaux sont splendides, sensuels, authentiques et d’une justesse dans l’approche du chant et de la production qui caractérisent cette période royale de la soul américaine.
6. Sade – Love Deluxe (1992)
Les plus jeunes se demandent si les quadras font exprès de ressortir, à chaque fois qu’ils recherchent un fantasme musical, le nom de Sade dans les playlists et les classements en tout genre. Il faut avoir été ado ou jeune adulte à cette époque là pour savoir quel pouvoir de suggestion avait la voix (et le visage placide) de Sade sur l’éveil sexuel des enfants de l’époque. Love Deluxe qui a fêté ses 30 ans l’année dernière est sorti à l’automne 1992. On se demande encore pourquoi le disque à l’automne alors que le son grunge de Nirvana s’apprêtait à déferler sur le monde occidental. On se souvient qu’alors passer du temps avec Sade était un privilège pris aux guitares et à l’électricité. Avec Feel No Pain et No Ordinary Love, la chanteuse signait quelques pièces qu’on n’oublierait pas de sitôt.
7. Russ Meyer’s Original Soundtrack Compilation (1995)
On peut trouver encore (en cherchant bien) presque toutes les BO des films de Russ Meyer en CD. Les Supervixens et autres Lorna se voient moins aujourd’hui (on peut les trouver sexistes, ce qu’ils ne sont pas tant que ça ou les assimiler à une vision très Benny Hill de la femme, ce qu’ils sont encore moins) mais on peut toujours écouter avec plaisir les disques qui sont gorgés d’extraits et de chouettes mélodies composées souvent par les Paul Sawtell et William Tasker, deux des compositeurs attitrés du réalisateur. Le premier est un compositeur immense dont la carrière s’étale sur près de quarante ans entre les années 30 et sa mort au début des années 70. Ses BO pour Russ Meyer sont incroyables, d’une richesse redoutable dans les arrangements de cordes. Contrairement aux images, elles ne font pas bander tant que ça mais elles font immanquablement penser aux gros seins et aux filles plantureuses qui n’attendent que ça qu’il suffit d’en écouter deux secondes pour avoir de drôles d’idées. Sexy malgré soi.
8. Black Francis – NonStopErotik (2010)
On ne s’était pas extasiés à l’époque sur les qualités de ce disque bizarre et qui reste l’un des derniers signés en solo par Black Francis avant qu’il ne se replonge à temps plein dans la reformation des Pixies. NonStopErotik est comme son nom l’indique un disque érotique perdu entre une compil de faces B et les deux albums de Grand Duchy écrits et interprétés avec son épouse. Avec son équipe habituelle (Eric Drew Feldman et quelques autres), on retrouve ici quelques accents de Trompe Le Monde et quelques titres au rythme accéléré qui cotoyent des morceaux juste cools et interprétés de manière très détachée par l’artiste. On aime bien When I Go Down On You qui met en scène un cunnilingus :
When I go down on you, when I go down on you
We’ll be happy and free just as the birds
I don’t need to have some money
And I don’t need to have some friend
I don’t need to have somebody new
When I go down on you, when I go down on you
With you all things I will transcend
Qui s’en souvient ?
9. Gert Wilden & Orchestra – SchulMädchen Report (1996)
On touche ici aux classiques du genre. Compilation qui reprend la BO tirée de l’adaptation allemande et un peu érotique (1970), en un film puis en treize épisodes distincts, d’un ouvrage de sexologie qui compilait des entretiens de jeunes filles réalisés par le sexologue Günther Hunold autour de leurs pratiques, SchulMädchen Report est un disque un peu culte, et très lounge, composé par Gert Wilden et son orchestre. Ce Rapports Intimes au collège de jeunes filles est aujourd’hui encore très suggestif et très sexy avec des bruits de jeunes femmes prépubères à l’arrière-plan qui attireraient de sérieux ennuis à leur auteur à notre époque. L’autre BO célèbre de l’auteur a été composée pour le film les 13 fiancées de Fu Manchu avec Christopher Lee. Autant dire qu’on touche au sommet de ce que la pop culture peut proposer. Du sexe, du culte et du branché… mais de qualité.
10. George Michael – Faith (1987)
Certains personnes sont assez âgées pour avoir connu George Michael hétérosexuel. On a déjà écrit sur le sujet, autour du single I Want Your Sex et on ne va pas radoter. Faith permet d’aborder le sexe comme il se doit et à l’antithèse des films de boules comme un « acte » sacré et relevant de la pure foi en l’autre et en ses propres moyens (du moins, pendant les 30 premières secondes). Ce disque n’a pas vieilli d’un poil, d’un doigt ou d’un membre. Il se pare avec le passage du temps et la transformation sexuelle de son auteur d’une modernité resplendissante et qui le rend plus érotique et ambigu que jamais. One More Try.
11. Erotic Lounge Compilation (2003-2010)
On était restés un peu classes jusqu’ici mais il fallait bien qu’on place cette collection de disques érotiques édités par Sony durant une bonne partie de la décennie 2000. A notre connaissance, il y a 9 volumes et une ou deux compilations synthèses qui circulent et qu’on peut écouter par curiosité parce qu’elles visaient justement à érotiser la musique et accompagner des séances de baise un peu relâchées et néo-hippie. On y retrouve des titres corrects de Morcheeba ou d’Alex Gopher, de Kruder and Dorfmeister ou encore Waldeck, Hooverphonic. Il y a des titres qui mènent au plaisir, d’autres qui appellent à des caresses bucales, bref un classement thématique tourné vers le cul qui interroge, mais surtout une volonté de balayer tous les genres, trip-hop, lounge, acid jazz, electro, pop, qui rend l’ensemble pire que tout. On pense à une sorte de littérature rose pour amateurs de téléfilms érotiques, à la discothèque rêvée des lecteurs de 50 Nuances de gris.
Bonus : les couvertures sont hallucinantes de nullité.
12. Lovage – Music To Make Love To Your Old Lady By (2001)
Autre figure imposée du genre, l’unique album de Lovage, projet easy listening monté autour de Nathaniel Merriweather aka Dan The Automator aka Dan Nakamura, l’un des producteurs hip-hop star de l’époque. On ne revient pas sur le bonhomme qui est une figure centrale du rap californien à cette époque. Ici, il s’allie à Mike Patton et surtout à l’irrésistible Jennifer Charles d’Elysian Fields pour un disque qui parle exclusivement de charme, de séduction et d’amour. Dans le genre, c’est indémodable et très bien fait. Rétrochic et gentiment érotique, accompagné d’une séance de fessée et d’un Martini olive.
13. Peaches – The Teaches of Peaches (2000)
Lorsqu’on pense musique et sexe, il est presque impossible de ne pas revenir sur ce disque de la Canadienne Peaches qui signe avec cet album pour la première fois sous ce pseudonyme. L’album est plein d’audaces, d’outrance, très électro-clash comme on ne disait pas encore alors. Iggy Pop s’extasiera sur les quatre premiers morceaux qu’il compare en impact à l’arrivée des Stooges sur le marché du punk. Influencé par un séjour en Allemagne, auprès de son pote Chilly Gonzales et avec le renfort au chant de sa colocatrice Feist, Peaches met sur le marché le disque le plus libre, brutal et sexuellement moite du début de XXIème siècle. The Teaches of Peaches est idéal si on n’a pas un physique de mannequin pour oublier ses défauts et baiser comme un dingo.
14. Pornosonic – Unreleased 70s Porno Music (1999)
Pornosonic est l’idée d’un documentariste et musicien particulièrement hideux, Don Argott, pour se taper des nanas. Il compose un disque qui rassemble des musiques de films imaginaires de films pornos des années 70 en 1999. Il réalise deux albums sous ce nom et embauche Ron Jeremy pour les voix. Jeremy est une sorte de légende du porno des premiers temps. Il réalise et produit des tas de pornos dans les années 70 et 80 avant de se recycler en figure de la pop culture ce qui lui vaudra d’apparaître dans Ghostbusters, Killing Zoe et Cobra (chef-d’œuvre avec Stallone). Figure de la contre-culture, c’est lui qui prête sa voix à quelques plages de ces disques plus difficiles à trouver que vraiment indispensables à écouter. On vous aura prévenus.
15. Jay Berliner – Erotic Guitars (1984)
On termine notre parcours érotique par ce disque curieux qui reprend des sections… érotiques de musique classique à la guitare. C’est Jay Berliner un guitariste américain complètement anecdotique qui s’y colle et reprend donc Beethoven, Haydn, Vivaldi ou Grieg de manière sensuelle… à la guitare. D’après les études scientifiques qu’on a pu consulter, la puissance érotique du résultat équivaut à la lecture de deux roman de David Foenkinos. La pochette est assez énorme pour les amateurs.
Du même auteur, on recommandera l’excellent Bananas Are Not Created Equal, autre disque incontournable de l’artiste dans une veine plus jazz cette fois.
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