Vous n’avez pas fini d’entendre parler de Far Caspian pour la simple et bonne raison que l’on n’est pas près de lâcher cette petite pépite irlandaise découverte en 2021. Après deux EP prometteurs en 2018 et 2019, Joel Johnston a livré l’an passé avec Ways To Get Out l’un des albums les plus frais, émouvants, passionnants de ces dernières années. En jeune homme moderne qu’il est, il égrène depuis ses débuts en fait ses morceaux sous formes de vidéos homemade, presque au fur à mesure qu’il les compose, enregistre et produit. Les antiques codes marketing sont balayés par ce souffle de jeunesse qui s’invente de nouvelles façons de diffuser la musique à travers les réseaux (sociaux). Le succès semble donc poindre, comme le montre l’indicateur devenu incontournable du « nombre d’abonnés » (20 K sur le dinosaure Facebook, 30.8 K sur Instagram et même 50.5 K sur sa chaine YouTube), mais malgré cela, la tournée européenne de Far Caspian qui débute ce 16 février à Stockholm ne passera qu’un soir en France, à Paris bien évidemment le 28 du mois. Difficile donc d’en savoir plus sur la façon dont Joel Johnston va transposer toute la finesse et la sensibilité de ses chansons fabriquées à la maison sur scène.
Heureusement, la chaine You Tube du groupe, devenu le point névralgique de la diffusion de son œuvre propose de découvrir, petit à petit, publiées à intervalles plus ou moins réguliers, les vidéos de la session Live At The Nave. Occupant une ancienne église méthodiste bâtie dans un quartier résidentiel, quelque part dans le West Yorkshire, entre Leeds et Bradford, The Nave est un de ces studios qui possèdent une âme que renforcent les murs de briques rouges assortis aux hautes tentures et le parquet à chevron. L’endroit idéal pour montrer que Far Caspian, loin de n’être qu’un projet de geek composant sa bedroom pop à la maison, est aussi une formidable aventure de copains. La mue s’opère et très vite, les chansons extraites de Ways To Get Out prennent une amplitude vertigineuse, d’une beauté abyssale.
Vêtu de son éternel gilet jacquard, Joel Johnston se retrouve à la tête d’un groupe de pas moins de 7 autres membres parmi lesquels on retrouve les fidèles Harry Robinson aux claviers et Joseph Cabedo à la batterie. La session, joliment filmée par le réalisateur Andy Little rend hommage aux couleurs chaudes du lieu. Elle est parfaitement sonorisée par Joel Johnston en personne, omniprésent dans toutes les phases de ce projet et permet de découvrir un groupe parfaitement en place qui parvient à insuffler aux morceaux une dynamique de scène assez incroyable. Tout y est décuplé: les moments frissons sur lesquels planent les backing vocals de Sophia Mohan ou le saxophone de Thomas Kettleton prennent une toute autre dimension comme sur l’introduction de Pretend (où l’on regrettera cependant l’absence du joli banjo du disque), sur 35mm ou la première partie du somptueux Our Past Lives. Les hymnes pop que sont Brother ou le très Bedhead Moon Tower conservent non seulement toute leur spontanéité et leur élégance mais gagnent encore en dynamique grâce notamment aux 3 guitares qui savent aussi hausser le ton, comme sur le final dantesque de House qui n’est pas sans rappeler celui, tout aussi extraordinaire du Dear Faraway Friend de Northern Picture Library, véritable monument de pop chaloupée s’accoquinant avec le bruit blanc alors qu’une basse imperturbable martèle sans sourciller sa mélodie. Un modèle de montée en puissance qui est sans doute la meilleure carte de visite du savoir-faire de Far Caspian.
Cette session Live At The Nave de Far Caspian comblera donc sans aucune peine les fans de plus en plus nombreux de l’irlandais et de toute sa bande mais laissera tout de même regrets et frustrations pour celles et ceux qui ne croiseront pas encore cette fois-ci leur route. Espérons que ça ne soit que partie remise.
Photo (c) capture d’écran YouTube
Brother
Pretend
Our Past Lives
House
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