Meyverlin / Therefore
[Too Good To Be True]

7.9 Note de l'auteur
7.9

Meyverlin - ThereforeUn petit indice, discret, donne le ton. Au moment de glisser dans le lecteur CD Therefore, second album de Meyverlin, l’œil est attiré par le petit motif imprimé sur le disque. Un détail, un bout de sculpture classique, deux têtes de chérubins. Elles semblent renvoyer à l’iconique pochette de Technique, sans doute pas le meilleur album de New Order mais tout de même l’un des plus emblématiques pour la façon dont le groupe qui avait introduit l’électro dans le rock post punk se retrouvait, à son tour baigné de cette culture qu’il avait contribué à créer, à façonner quelques années plus tard cette petite merveille de pop dansante sous acides pile entre les deux Summers Of Love du madchester. A vrai dire, on savait bien depuis le single Casanova (que l’on retrouve ici dans une version album sensiblement différente) sorti lui aussi sur le label brestois Too Good To Be True l’an passé que la bande, après un premier album, Daily Events, lorgnant avec goût sur la pop mancunienne du côté du Salford Lads Club, était aussi capable d’aller trainer du côté des héritiers de la Haçienda.

Pour ce second album, le trio s’est offert les services du comparse de Philippe Lavergne au sein des Freluquets puis du projet électro Bassmati, le batteur Rodolphe Vassails, en charge de la programmation et de la production du disque. Un choix payant tant sa science du tempo et du beat précis propulse Therefore dans une dimension que l’on ne connaissait pas encore à Meyverlin. Bien entendu, les râleurs pourront toujours râler : ce second album, bien que plus varié que le premier, rend un hommage même pas voilé aux sonorités de cette Angleterre du début des années 1990 découvrant dans un grand élan créatif à coup de petites pilules rigolotes que l’on pouvait sans aucun complexe mélanger à l’infini et à degrés divers le rock et l’électronique dansante pour en faire une musique hybride bien souvent irrésistible. Une façon, au risque parfois de perdre le fil conducteur, de ne pas choisir, de ne pas rester engoncé dans un style défini mais de laisser vaguer la liberté artistique. C’est d’ailleurs bien ce que l’on retient de Technique, l’album ibicenco des mancuniens dont émerge des tubes électro dansants magnétiques comme Round & Round, Mr Disco ou Vanishing Point mais aussi des propositions d’un rock mélancolique et gorgé de soleil culminant sur le magistral Run. C’est précisément à cet esprit libre que renvoient Therefore et sa très belle pochette minimale particulièrement réussie.

D’ailleurs, Perfume qui ouvre le disque est une jolie ritournelle électrique et noisy qui renvoie plus au disque précédent et ne laisse pas présager de la suite qui va très vite arriver sous la forme de Revelation, véritable petit hymne baggy particulièrement emballant qui rappelle sans vergogne les chefs de meutes que furent les Stones Roses et Happy Mondays mais aussi (et surtout) tous ces délicieux groupes de seconde division de l’époque, sans doute trop chargés pour convaincre sur un album entier mais souvent irrésistibles le temps d’un single ; les Northside, My Jealous God et autre Ocean Colour Scene. Ainsi va Therefore, album oscillant sans contraintes entre pop électrique et électro dansante en passant par des moments plus hybrides mais qui, à l’inverse de ces ainés, parvient sans peine à tenir le rythme de sa cadence effrénée et nous en haleine par la même occasion, à l’exception de quelques petits temps faibles comme ce Scorpio un peu plus anodin et son riff crispant.

Car c’est une constante que l’on ne peut que reconnaitre chez Meyverlin tout comme chez My Raining Stars, le projet plus personnel de Thierry Haliniak, cette aptitude à composer de sacrées mélodies pop emballées avec beaucoup de goût et le plus grand soin. Therefore s’apprécie alors comme une collection de hits de poche tout à fait délicieuse qui, certes renverra certains à leur jeunesse lointaine mais dont la production se nourrit de multiples influences pour finir par sonner résolument moderne et actuelle. Sans problème, les morceaux les plus pop tiennent la route. Scars et son petit piano introduit une référence que l’on retrouvera régulièrement sur l’album, celle de l’impeccable Wish de The Cure avec ce son de guitares et de basses si caractéristique tandis que l’excellent Boys On The Dancefloor nous immerge dans un esprit plus post-punk au refrain entêtant. Pourtant, l’attention est tout de même principalement retenue par la qualité des morceaux les plus synthétiques. Le froid Smoke Screen nous pousse dans l’escalier, direction les bas fond d’un club berlinois en pleine monté new wave pour mieux éclater au grand jour sur un refrain imparable soutenu d’une belle grosse basse et d’un petit gimmick électro malicieux. Sortis de la nuit, c’est sous le soleil des Baléares au son d’Ultrasound, cousin respectueux du magistral Little Fluffy Cloud de The Orb que l’on enchaine ce jour sans fin ; bikinis et torses glabres, une coupe à la main, les corps galbés se trémoussent lascivement et tout le monde s’aime. Et puis, parce qu’il faut bien boucler la boucle, on se laisse emporter par ces belles unions de guitares et de synthés qui font les chansons composites que sont The Apprentice agrémentées ici de quelques notes de trombone et Silences, finalement sans doute la plus proche de la bande à Barney.

Therefore est de ces albums qui parviennent à force d’écoutes à gagner la confiance de leurs auditeurs. Si la découverte est emballante tant ces mélodies catchy sont joliment mises en valeurs et savent capter les sens, la raison prend ensuite le dessus, rappelant tout ce à quoi l’album renvoie. Et puis ? Peu importe au final. La raison peut bien l’emporter, le corps continue lui de profiter des dix titres d’un disque plutôt efficace au point qu’on finit par ne plus penser à ses petits défauts, références évidentes et toujours cet accent so frenchy qui finirait presque par devenir une marque de fabrique. A bord de sa machine à remonter le temps, Meyverlin opère sa mue tout en jouant la carte d’une musique certes associée à l’époque qui l’a vue naître mais qui a aussi su traverser le temps et les modes successives ; si on en déplore souvent la vacuité, ça n’est pas pour reprocher ensuite à ceux qui ne les suivent pas de rester bloqués à leur époque. Et reconnaissons qu’en la matière, celle-ci fut des plus excitantes.

Tracklist
01. Perfume
02. Revelation
03. The Apprentice
04. Smoke Screen
05. Scars
06. Scorpio
07. Boys On The Dancefloor
08. Ultrasound
09. Silences
10. Casanova (Album Version)
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