Hans Zimmer / Sketches from Wonder Woman 1984
[Water Tower Music]

7.4 Note de l'auteur
7.4

Hans Zimmer - Sketches from Wonder Woman 1984Histoire de booster encore un peu plus la sortie (finalement partiellement avortée puisque déplacée sur HBO dans une relative indifférence) de son megablockbuster Wonder Woman 1984, deuxième épisode de la première franchise de super-héroïne, DC Films a eu la chic idée de confier la musique à l’ami Hans Zimmer, sorte de Schwarzenegger de la BO, et n°1 mondial en la matière.

Zimmer s’était déjà frotté, évidemment, au genre super-héroïque pour avoir signé les Bo de Batman Begins, Iron Man ou, plus près de nous, de Batman v Superman ou encore X Men Dark Phoenix. Il s’agissait néanmoins pour lui, avec le film de Patty Jenkins de trouver une voie nouvelle entre super-héroïsme à gros bras et cette petite touche de sensibilité féminine et d’ambiance policière qui fait la singularité de la belle Wonder Woman. Trève de suspense, la BO ne parvient en aucune manière à amener quoi que ce soit de nouveau mais s’impose comme une énième composition de Zimmer dominée par sa puissance dévastatrice, ses orchestrations en pilotage automatique et ses crescendos à ressort. Zimmer est à la composition de musique de films ce que IKEA est au meuble : un truc élégant, bien conçu, mais qui se décline avec un certain systématisme quelle que soit la gamme et les coloris. Sa BO de Wonder Woman est aussi impliquée qu’impersonnelle, agréable à l’oreille mais qui, privée de la force et de la virtuosité des images (du charme immense de Gal Gadot, disons la vérité) ne vaut pas tripette.

D’une manière générale, et pour un type comme Zimmer obsédé par les orchestrations et les cuivres, la BO de Wonder Woman 1984 laisse une place assez importante aux musiques synthétiques, sans doute un clin d’oeil (pas idiot) à l’époque où est située l’action, c’est-à-dire des années 80 emplies de new wave et de musiques vaguement électroniques. C’est ainsi avec un très vintage et plutôt amusant ’84 que démarre ce Sketches from the Soundtrack. Zimmer n’y va pas avec le dos de la truelle/cuillère et nous offre une séquence de deux minutes qui ferait rougir d’émotion David Guetta et Jean-Michel Jarre. De là, il embraye sur une magnifique plage qui correspond mieux à son style avec No Hero Is Born From Lies. Difficile de lutter contre le maître dans ce registre, Zimmer est tout bonnement parfait. On dirait du Copland avec un effet Ricoré supplémentaire qui vous donne envie de gonfler la poitrine et d’aller casser du gorille survitaminé. Le thème est subtil et audacieux, efficace et finalement assez digeste. On a beau se dire que cela correspond exactement à ce que Zimmer a dû inscrire sur la facture : on se fait avoir à chaque fois.

Années 80 dit aussi arrivée du metal et sonorités hard rock. Est-ce pour cette raison que Zimmer durcit le temps avec le sombre et métallique Apex Predator ? Peut-être. Le résultat est juste au standard mais fout un peu les jetons quand même, rappelant certains thèmes bondiens lorsque le méchant révèle son visage ou fait visiter sa mégabase cachée. L’exploration des tonalités 80s se poursuit avec le magnifiquement kitsch Barbara Minerva. L’intéressée (collègue timide de WW au début) deviendra, comme chacun sait, la terrible sauvageonne Cheetah, soit la supervilain la plus sensuellement animale du monde (mais pas dans… ce film). Et il faut dire que Zimmer, sans doute porté par une rêverie érotique, lui offre un traitement de girl next door splendide avec de faux airs de Prince et the New Power Generation. On divague mais ce sont quelques moments où la BO attire l’attention et offre quelque chose de vraiment inédit. Pour le reste, on a l’impression d’une balade à la Sécurité Sociale des Soundtracks avec des plages telles que Dechalefrea Ero (le nom de code qui donne la clé de l’artefact dont l’usage soutient le film) ou In Love que Zimmer doit générer quasi automatiquement lorsqu’il se met à sa table de travail de bon matin. Ces compositions rappellent que c’est tout de même la grande fonction du musicien de blockbuster : accompagner des scènes clichés avec une musique qui ne l’est pas moins. Il faut accepter la fonction et ne pas s’en détourner. La progression de Citrine est scolaire et sans surprise, comme l’est la cavalcade héroïque qui suit (In Harm’s Way), qui ne vaut que pour le rappel du premier thème.

Oui, on a signé pour ça et oui, c’est ainsi que les choses vont et fonctionnent. La BO est un art qui permet de remettre les choses à leur place, de suivre le cours des images et d’en renforcer l’impact. Le reproche qu’on peut faire à Zimmer (c’était le cas sur l’affreux Batman v Superman), c’est qu’il ne rame jamais à contre-courant et ne cherche qu’assez rarement à amener de la subtilité là où il n’y en a pas beaucoup. C’est réellement quand on voit ce qu’il peut insuffler de petite folie à un morceau transgenre tel que le magnifique Life Is Good, But It Can Be Better, mi-orchestré mi-synthétique. Le mouvement est haché, concassé, le rythme salement amoché par l’effort qui suit l’action. C’est un portrait magnifique du fardeau super-héroïque, intime et tout à fait subjectif, ravissant. S’il n’y avait qu’une pièce à retenir de ce disque, c’est bien celle-ci : une micro-symphonie de quasiment 12 minutes, tout à fait sublime, féminine et glorieuse qui laisse entrevoir des jours meilleurs.

Le final (The Amazon) pompier et pompeux referme le couvercle sur un nouvel exercice commercial d’assez belle tenue. Le travail est fait et c’est l’essentiel. Les studios sont contents et les spectateurs en auront pour leurs oreilles. Est-ce que ce Wonder Woman 1984 sera suffisant pour que Zimmer gagne en reconnaissance de ses pairs et déjoue son image de gros balourd, ce n’est pas certain, même s’il y a ici quelques inspirations de génie et un sens du mouvement orchestral qui continue de le placer parmi les grands du domaine. Ecouter ce disque sans avoir vu le film ? Bien sûr et même à la place de voir le film qui n’en dit pas beaucoup plus. Prenez une rasade de The Amazon au petit déjeuner avec un jus d’orange et vous aurez l’impression d’aller au travail comme vous monteriez aux tranchées. Le Zimmer matinal remplace aisément les baies de goji et la vitamine E. Par solidarité avec le film dont il épouse le mouvement, la BO de Zimmer après un bon démarrage s’étiole quand viennent les morceaux de bravoure. On retiendra du film le bon traitement de Max Lord, la beauté éclatante de Wonder Woman et les premières vingt minutes d’une Cheetah/Barbara Minerva qui ensuite se transforme en personnage sans conteste.

Comme souvent, on se dit qu’il y avait des choses à faire. Cela vaut pour la musique et pour le film. Mais tout n’est pas si mal ainsi.

Wonder Woman 1984 – Bande annonce

Tracklist
01. ’84
02. No Hero Is Born from Lies
03. Apex Predator
04. The Monkey Paw
05. Barbara Minerva
06. Dechalafrea Ero
07. In Love
08. Citrine
09. In Harm’s Way
10. Life Is Good, But It Can Be Better
11. The Amazon
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