On a tous rêvé un jour que notre vie soit mise en musique par Hans Zimmer. Mais voilà, le grand manitou des BO hollywoodiennes passe son temps à « scorer » des blockbusters et n’a jamais manifesté le moindre intérêt pour les drames français. Le truc le plus subtil et triste qu’il a eu à étudier ces dix dernières années étant peut-être l’Ode Américaine de Ron Howard, un joli film que personne n’a vu, ex-æquo avec… Baby Boss 2. C’est dire si on se demande ce qui nous arrive en écoutant la BO de Dune : Part Two de Denis Villeneuve, quand démarre à la vitesse de l’escargot le pompeux et barbant Beginnings Are Such Delicate Times qui reprend certains motifs (les percussions notamment) du film précédent mais s’enlise quelque peu dans son projet de dépaysement. Zimmer n’est jamais aussi nul que lorsqu’il veut jouer au compositeur classique et inspiré. Cette séquence d’ouverture de près de 9 minutes est presque aussi prétentieuse et médiocre qu’était géniale et inspirée la BO de Maurice Jarre pour Lawrence d’Arabie. Réécouter les deux à la suite (on parle peu ou prou de la même chose, du sable, le messie, la foi, l’amour et l’ambition), n’est clairement pas à l’avantage d’un Zimmer qui semble empêché à chaque fois qu’il faut exprimer autre chose qu’un emballement sanguin et surtout (comme son réalisateur sur chaque plan, sur chaque mouvement de caméra) est animé par un esprit de sérieux coupable. Il n’y a pas une note sur cette BO de 1h30 et quelques qui arrache un sourire ou ne soit jouée pour détendre l’atmosphère. On peut avoir de hautes ambitions narratives et ne pas croire qu’on sonorise la Bible.
Et la BO démarre trop lentement à notre goût, ennemi de l’immersion au ralenti. Eclipse ne sert à rien non plus. The Sietch est une pièce irritante qui installe une sorte d’étrangeté surjouée et qui ne fait finalement qu’ajouter à la boursouflure des images avec des vocaux mystiques (qu’on retrouvera mille fois, chics et tocs) et des instruments à vent qui feignent l’artisanat. Mais où passé le Hans Zimmer qu’on connaît est-on en droit de se demander après un bon quart d’heure ? Voilà qu’il se prend pour un expérimentateur/ambianceur pionnier sur Water of Life mais sans que sa musique décolle vraiment. On ne reconnaît le compositeur qu’à partir d’A Time Of Quiet Between The Storms, pièce précieuse et qui, tout en faisant preuve d’une vraie richesse dans la construction et les arrangements, est finalement la première à éveiller l’émotion. Dune 2 est un film romantique et on est ici au coeur de son « moteur » musico-cinématographique. La tempête se lève. Le sang afflue dans les extrémités, l’orchestre se pointe à l’horizon et on a enfin droit à un premier crescendo. Quand Thimothée rencontre Zendaya. On a les mythes qu’on mérite.
Après une longue introduction, le film lâche les chevaux et Zimmer entre dans sa zone de confort. Ça attaque de tous les côtés : les vers, les méchants, et voilà Paul qui s’impose comme le prince du désert. Zimmer est plus dans son élément. La BO incorpore de nombreux effets électroniques qu’on continue de trouver un peu cheap et très inférieur, chez Zimmer, à ses anciens usages tonitruants de cuivre. Ce son mi-synthétique, mi-orchestral est devenu la nouvelle signature des blockbusters et c’est une signature un peu moche et bas de gamme, même si elle sert parfois des desseins industriels/surnaturels adaptés comme sur le menaçant et martial Harkonnen Arena. Ce n’est quand même pas d’une grande subtilité mais Zimmer nous fout un peu la frousse, comme lorsqu’il envoie The Emperor ou déclenche the Gurney Battle. La BO est dominée par ces deux pôles que sont la baston, l’affrontement, d’un côté, et de l’autre, l’histoire d’amour et la spiritualité de Paul face à son destin. L’héroïsme sentimental a ses règles. Zimmer est son prophète.
Le premier lot est traité sans aucune surprise et finalement avec assez peu de panache. Zimmer n’en rajoute pas tant que ça par rapport aux images qui en font déjà des tonnes. Il est tout aussi économe dans le registre sentimental ou atmosphérique, quand il disparait sous un Southern Messiah qui n’est intéressant que pour sa dernière minute ou encore choisit de broder très intelligemment autour de son thème principal sur l’élégant Never Lose Me, vraie belle pièce amoureuse. Cette fois-ci (on se demande bien pourquoi tant le film rate sa cible érotique avec ses deux acteurs qui manquent de corps et de coffre), c’est le Zimmer sentimental qui nous touche plus que le guerrier. On a l’impression d’avoir entendu Travel South dix mille fois avant mais on est meilleur public face à un Kiss The Ring, enlevé et irrésistible.
Le final ça sent la victoire et la noblesse d’âme. Only I will Remain a de l’allure. La maison des Atréides triomphe. Lisan Al Gaib lance des riffs mystérieux vers la suite de l’odyssée en mêlant intelligemment les thèmes. On doit reconnaître que la construction chez Zimmer est un art véritable qui sait y faire, faisant ressurgir au fil de l’œuvre des séquences attachées à chaque famille ou chaque personnage. C’est habile et très savant. L’entrelacs de Paul et Chani est sacrément bien fichu et offre à chaque fois une bouffée d’air qui sent bon le sable chaud plus que le sexe tiède.
A l’échelle de la saga, cette BO n°2 est beaucoup plus explosive, éclatante et vive que ne l’était la première. Elle est bien à l’image du film, plus distrayante sans doute. Elle n’en reste pas moins assez peu inventive et peu déterminante en dehors des quelques pièces qu’on a mentionnées, comme si les transitions d’usage l’emportaient sur ce qu’on a à dire. Cette BO est assez caractéristique de ce qui est demandé désormais aux grands compositeurs pour grosses mécaniques : servir quelques thèmes/tubes facilement reconnaissables et autour de l’ambient mi-électro, mi-symphonique qui paraphrase les images… qui paraphrasent le livre. Sur l’écran comme dans les enceintes, on retirera l’étrange et désagréable sensation que tout ceci n’est sûrement pas nécessaire et qu’on aurait pu faire aussi mal avec moins d’énergie et une meilleure empreinte carbone. Il ne faudra pas s’étonner quand ces types seront remplacés par des IA.
02. Eclipse
03. The Sietch
04. Water of Life
05. A Time Of Quiet Between The Storms
06. Harvester Attack
07. Worm Ride
08. Ornithopter Attack
09. Each Man Is A Little War
10. Harkonnen Arena
11. Spice
12. Seduction
13. Never Lose Me
14. Travel south
15. Paul Drinks
16. Resurrection
17. Arrival
18. Southern Messiah
19. The Emperor
20. Worm Army
21. Gurney Battle
22. You Fought Well
23. Kiss The Ring
24. Only I Will Remain
25. Lisan al Gaib
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