La Vilerie / Ugly Monsters
[Vilmuzik Records]

8.1 Note de l'auteur
8.1

La Vilerie - Ugly MonstersRien n’aurait laissé penser à l’écoute du dernier disque de la Vilenie, Incontinence Verbale voire du précédent Bon à Rien, que le beatmaker bayonnais (si tant est qu’il y vive toujours) avait dans les jambes un disque de cette densité et de cette cohérence. On évoquait en parlant du disque, dans ses meilleurs moments, un tropisme américain, sombre et rappelant les productions musclées, tranchantes et métalliques du Wu et de ses épigones. Ugly Monsters n’est rien moins que le disque 100% américain du Français, un exercice de genre et de style, mené avec une perfection maniaque et un savoir-faire irréprochable qui nous met face à un objet curieux, puissant et inattaquable.

Ugly Monsters épate par son casting et la qualité de ses prods. Tony Hustle, le jeune rappeur de l’Indiana, amorce le mouvement sur un Ten of Wands minimaliste et zébré d’un violon dramatique, avant de laisser la place au phénomène LuGhz. On ne sait pas du tout comment la Vilenie a réussi à assembler un tel ensemble de rappeurs et DJ mais les contributions des uns et des autres permettent de découvrir des rappeurs peu exposés et surprenants. C’est le cas du Londonien et new-yorkais d’adoption qui fait parler sur Skid toute sa science des sonorités urbaines cultivées dans… le Queens. Le beat est lourd, sec, ralenti et à l’écoute d’un rappeur qui chante comme à l’économie. Le reste déroule comme dans un rêve avec Frank D’Amato, dont le dernier album Le Coup, était excellent. Le rappeur de Houston ne force pas son talent sur un Krakoa au standard et qui, lui également, repose sur le sens de la répétition et du martèlement. Il faut aller chercher un peu plus loin dans le disque pour retrouver les productions dynamiques et enlevées d’un La Vilenie qui recherche ici plus les ambiances que les effets spéciaux et les beats éclatants. Synato Watts signe avec Dead Silence l’un des titres les plus réussis du lot, avec une production sertie d’effets synthétiques rappelant les BO de films des années 80 et un usage intéressant des chœurs à l’arrière-plan.

L’emballement ne vient qu’avec le collectif et pétillant, Shower Shoes, avant un titre plus doux, Karnabo. Osborne Appetite constitue un autre des sommets du disque avec la présence imposante et marquante au chant d’Aztek The Barfly. Le rappeur de Detroit déploie un flow sec et métallique, dont la clinicité est renforcée par une production zébrée de guitares électriques. Très cinématique et orchestral sur l’excellent Majestic, caressant et lounge sur A Love Triangle, la Vilerie hausse encore le niveau pour terminer sur un festival avec deux derniers morceaux irréprochables, aussi simples que bien travaillés.

Ugly Monsters est un album « de genre » comme il y a des films ainsi : il agit comme une variation haut de gamme sur l’idée qu’on se fait du rap East Coast. Ce faisant il n’est pas loin de s’imposer sans trop lutter comme l’album de hip-hop américain (.. français) de l’année en cours. A l’échelle de son auteur, c’est le disque le plus abouti, cohérent et précis qu’il ait livré jusqu’ici.

Tracklist
01. Intro
02. Ten of Wands feat Tony Hustle
03. Skid feat LuGhz
04. Krakoa feat Frank D’Amato
05. Dead Silence feat Synato Watts
06. Shower Shoes feat. Talirod, Judge the Disciple & P-Ro
07. Karnabo feat. Jewel-i
08. Osborne appetite feat. Aztek the Barfly
09. Majestic View feat. Tony Tox
10. A Love Triangle feat. Dante Pachino & Jsailiah
11. All Our Turf feat Lunatic
12. Vinny Testaverde feat King Adroit (cuts by NM Scratcherz)
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