Echo, le précédent album de Lescop, était un disque qui amorçait un virage pop dans lequel on pouvait trouver encore (la basse) quelques sonorités new wave. Le disque était composé de portraits, d’histoires de personnages un peu vénéneux et dérangés qui fonctionnaient comme de petits scénarios. C’était un disque aimable, pas forcément très accrocheur et accroché, dont on était pas certain d’avoir identifié pleinement la direction. Rêve Parti, son successeur, choisit cette fois son camp de manière encore plus claire : pop, pop et 80s jusqu’au bout des orteils. Il faut être observateur pour rattacher musicalement ce travail à la new wave originelle. Lescop n’est plus jamais sombre, plus jamais triste : son discours est lumineux, sautillant, son aspect esthétique finalement plus proche des New Romantics (Spandau Ballet et consorts) que des courants froids.
Par delà à la difficulté qu’on peut éprouver à considérer cette musique délibérément rétro (synthé et boîtes à rythme à tous les étages) comme une manifestation de notre époque, Lescop partage avec les anciens romantiques cette capacité à composer des chansons sans enjeu, qui finissent par manquer d’impact et d’ambition. Le disque démarre pourtant avec une belle pièce, les Garçons, jolie variation sur les Anges Distraits de Pasolini, qui croque parfaitement les manifestations viriles et adolescentes des bandes de jeunes. Ce titre est épatant, un peu gnangnan au premier abord (le chant est exagérément maniéré) mais séduisant, charmant et bien saisi. C’est paradoxalement l’un des seuls moments où Lescop va toucher juste. Car, si les mélodies sont affriolantes, voire tubesques, on a l’impression que le chanteur a du mal à imposer son énergie et à dessiner une vision qui permettrait aux titres de faire autre chose que nous distraire.
Radio est un bon exemple de ce travers. La mélodie est sympathique et l’accompagnement soigné. Le chant est agréable… mais on n’arrive pas vraiment à comprendre de quoi et de qui ça parle, si bien que par delà l’envie de fredonner le refrain, on ne ressent aucune implication personnelle à l’écoute. Le phénomène va se reproduire à de multiples reprises ensuite : difficile d’entrer pleinement dans une ambiance qui est si indistincte et mal définie. Rêve parti (le morceau) est léger comme l’air et élégant mais souffre encore une fois d’un manque d’incarnation qui donne l’impression qu’on se balade à la surface des choses. La musique est joueuse, enthousiasmante et parfois réellement addictive mais il n’y a pas suffisamment de matière pour qu’on y adhère. Exotica ressemble à un tube planétaire pour Top 50 qui ferait pâlir d’envie Jean-Pierre Mader, mais on a un peu de mal à ne pas sourire en entonnant le texte.
Dans un registre musical assez similaire on a préféré ces dernières années l’évidence pop de Lødari, et le caractère sombre et expérimental de Viot, plus incisifs et décisifs. Sur La Plupart du Temps, avec le featuring people d’Izia, Lescop lorgne du côté d’un Daho jeune, mais que ce dégage de l’association des voix aucune ambiguïté sexuelle, aucune sensualité, ni profondeur.
On a beau être très bienveillants et trouver quelques qualités à des chansons comme le Jeu (ludique mais couillon), Elle (notre titre préféré après Les Garçons, un peu plus audacieux et recherché que les autres) ou la Femme Papillon (avec Halo Maud), l’ensemble reste très insuffisant. Le final avec notamment l’excellent Tu Peux Voir, électro et minimaliste, et l’intéressant Grenadine, ouvre un registre mi-pop mi-électro, plus économe et moins mainstream/conquérant dans lequel Lescop retrouve un peu de son originalité et de son attrait. Il reste que, même pour un album pop, il manque à Rêve Parti de la chair et de la densité pour faire autre chose que glisser comme un mirage.
On aurait aimé s’emballer un peu plus (le garçon est sympathique) mais quand ça veut pas, ça veut pas.
02. Radio
03. Rêve Parti
04. Exotica
05. La plupart du temps
06. Le jeu
07. La femme papillon
08. Elle
09. Effrayé par la nuit
10. Sur ma route
11. J’ai oublié ton image
12. Tu peux voir
13. Grenadine